lundi 13 avril 2009

Vénézuéla : la lutte contre la crise du capitalisme avec plus de révolution

par Manuel Sanchez



Manuel Sanchez, Caracas, 14 Mars 2009 (Pour http://www.greenleft.org.au/)
Traduit de l’anglais par Marc Harpon pour Changement de Société

Dans certains pays, la sévère crise du capitalisme a eu pour résultat un réalignement des gouvernements respectifs sur les pouvoirs impérialistes et l’adoption de différentes formes de coupes budgétaires qui affectent les conditions de vie de la majorité.

Au Vénézuéla, le contraire se passe.

Avant et après la victoire des forces pro-révolution lors du referendum du 15 février, pour autoriser les élus à entrer en lice pour être réélus plus d’une fois, la décision d’aller de l’avant dans la transition vers le socialisme a été ratifiée.

La situation économique mondiale a aussi indubitablement frappé dur au Vénézuéla. Le gouvernement révolutionnaire a déjà pris la résolution d’éliminer « toutes les dépenses qui ne seraient pas absolument indispensables ».

Mais ces mesures d’austérité, loin d’affecter négativement le cours de la révolution qui cherche à transformer le pays, le favorisent.

Pour l’observateur politique moyen, c’était évident depuis septembre 2008. Le Président Hugo Chavez a averti de cela dans son message à la nation le 13 janvier.

En dépit de cela, l’opposition de droite s’est une fois encore fourvoyée, confiante dans l’idée que la crise mondiale ruinerait la révolution et mettrait un terme à l’époque Chavez.

Parmi leurs innombrables évaluations incorrectes de ces dernières années, c’est probablement la plus grave, et la plus lourde de conséquences.

La crise hâte la radicalisation.

Le contraire [des pronostics de l'opposition, ndt] est en train de se passer. La rareté relative des ressources causée par la chute abrupte des prix du pétrole a simplement réduit la marge des concessions que le gouvernement avait faites, dans tous les domaines, aux forces comploteuses de coups d’Etat, dans les secteurs clés de la production et des finances.

Durant les dernières minutes de son discours du 13 janvier, Chavez a clarifié : « Il y a des pronostics venus de différentes fractions de l’opposition et de quelques officines médiatiques à propos d’une débâcle économique au Vénézuéla. »

« De plus, les médias proclament que Chavez prépare un paquet de mesures néolibérales.

« Au lieu de quoi, je veux répéter une fois de plus ce qui suit à l’oligarchie et à la bourgeoisie vénézuéliennes : elles feraient mieux de faire leurs prières au lieu de demander bruyamment qu’une débâcle s’abatte sur le Vénézuéla.

« A l’opposition : priez pour que la grande crise mondiale du capitalisme, la crise économique capitaliste mondiale, ne parvienne pas jusqu’ici avec l’intensité que vous souhaitez.

« Pourquoi ? Parce que Carlos Andres Perez [un ancien président social-démocrate qui, en 1989, a appliqué de brutales politiques néolibérales anti-pauvres qui ont eu pour résultat l'insurrection du Caracazo] n’est pas la personne dirigeant ce gouvernement. Hugo Chavez est la personne dirigeant ce gouvernement.

« Regardez, s’ils pensent que je vais suivre les politiques de Carlos Andres Perez…ou maintenant celles de George Bush, lors des derniers mois, qui consistent en un sauvetage par des milliers de millions de dollars donnés, comme cela a été fait ici auparavant, à cette oligarchie financière, cette bourgeoisie antipatriotique, ils se trompent lourdement.

« Si l’impact de la crise économique du capitalisme mondial parvient jusqu’ici avec force, ce sont ces secteurs du capitalisme national qui vont être frappés durement.

« Ce ne sera pas le peuple. Ce ne sera pas la révolution. »

L’opposition a fait la sourde oreille

D’abord, avec la pression permanente qu’elle subit des Etats-Unis et son jugement erroné regardant le referendum, elle a prolongé sa tactique de prédilection pour déstabiliser le gouvernement après la défaite [de l'opposition] du 15 février : les pénuries de nourriture et les hausses de prix.

Parallèlement à ça, des groupes d’opposition attisent la braise d’un plan pour convertir les Etats gouvernés par l’opposition du Tachira et du Zulia en territoires hors du contrôle du gouvernement central- fomentant une structure séparatiste.

« Avec cette stratégie séparatiste, ils nourrissent l’idée de semer la guerre civile, au Tachira, au Zulia, à Tachiras et à Melida », a expliqué le Diario Vea pro-gouvernement le 25 février.

L’après midi du 28 février, Chavez a répondu en annonçant la prise de contrôle par le gouvernement d’usines de conditionnement du riz qui violaient le contrôle des prix : « Il y a des secteurs de l’industrie agro-alimentaire qui refusent d’obéir aux lois. Surtout ceux qui traitent le riz. »

« J’ai ordonné qu’on intervienne à partir de maintenant »

Pour chasser les doutes, le président a donné des instructions au commandant de la Garde Nationale, le Major Général Freddy Alonso Carrion, pour garantir l’aide nécessaire pour prendre le contrôle de ces usines, de concert avec le ministre de l’agriculture et chef du Commandement des Opérations Startégiques, le Major Gébéral Jesus Gonzalez Gonzalez.

« Nous ne les autoriserons plus à se moquer du peuple et du gouvernement révolutionnaire. », a dit Hugo Chavez pendant son annonce nationale diffusée à la radio et à la télévision.

« Ils menacent d’arrêter la production. S’ils font ça, je vais les exproprier. Je n’ai aucun problème avec ça et je les paierai avec des chaînes.

« Ne comptez pas sur moi pour payer avec des espèces sonnantes et trébuchantes » a ajouté Chavez.

A peine quelques heures plus tard, le vice ministre de l’agriculture, Richard Canan, a confirmé devant les caméras de la télévision d’Etat la prise de contrôle des installations d’Arroz Primor, qui appartient à la Polar Company. « En ce moment même, nous lançons un processus d’occupation temporaire de la compagnie Arroz Primor, ici à Calabozo », a déclaré Canan.

Il a expliqué que les installations ont la capacité qu’il faut pour traiter plus de 7500 tonnes par mois mais qu’elles traitaient moins de 3000 tonnes. « Du pur riz aromatisé », a-t-il souligné, ce qui est plus cher, puisque échappant au contrôle des prix mis en place par le gouvernement.

Le combat contre le sabotage et la crise

Bien que l’impact politique de la victoire au referendum (remportée contre une immense campagne de l’opposition pour un vote « non ») surpasse ces mesures, aussi attendues que controversées, les prises de contrôle peuvent être comprises à la lumière de la crise mondiale.

Pendant au moins six ans, le gouvernement a eu à contrecarrer les pénuries et les difficultés alimentaires avec l’achat massif d’importations alimentaires, tout en engageant le processus lent et laborieux d’augmentation de la production intérieure, processus qui est maintenant considérablement avancé.

Toutefois, cela n’était possible qu’avec l’argent rendu disponible par les ventes de pétrole au prix fort durant la dernière période. Avec la diminution de cet extraordinaire surplus, la réponse du gouvernement est venue.

Il y a un an, lorsque la révolution a subi un blocage avec la défaite au referendum pour réformer la constitution et qu’une opposition à l’audace renouvelée a cherché à aggraver les pénuries alimentaires qu’avaient créées de toute pièce, dans l’avant referendum, de gros producteurs et distributeurs d’aliments alignés sur l’opposition, il est devenu clair que la continuation de la révolution exigeait des forces révolutionnaires qu’elles aient le contrôle direct sur des centres clés de la production, de l’importation et de la distribution alimentaires.

C’est un secteur qui, de concert avec certaines banques privées, conserve la capacité de contrôler la quantité, la qualité et le prix pour la population de produits alimentaires de base.

En contradiction apparente avec les rapports de forces à ce stade, des voix ont commencé à soulever le mot interdit : expropriation.

Chavez a avancé pas à pas, continuant le programme de nationalisations commencé en 2007, qui impliquait des nationalisations dans le secteur électrique et le secteur des télécommunications, En 2008, son gouvernement a exproprié le géant de l’acier Sidor, des cimenteries et la Banque du Vénézuéla.

Maintenant, dans la foulée de la frénésie de nationalisations dans les nations impérialistes afin de combattre la crise économique, l’une des plus grosses confusions soulevées dans le cours de la Révolution Bolivarienne a été éclaircie, celle de l’équivalence entre nationalisations et socialisme.

De plus, Chavez a payé des compensations pour ces expropriations. (Il est possible d’imaginer le choc qui a traversé les cadres des compagnies expropriées qui n’ont pas encore achevé ces transactions en face des allusions de Chavez au fait de «payer avec des chaînes »).

Des arguments critiquant le rythme des nationalisations ont été produits par certains secteurs de la gauche qui refusent d’admettre l’existence d’une stratégie de transition vers le socialisme au Vénézuéla.

Des secteurs de la bourgeoisie ont agi suivant la même prémisse, pensant qu’ils pouvaient continuer à tirer les ficelles.

Voici le résultat. Dans une continuité parfaite, mais probablement à une vitesse uniformément accélérée par la pression de la crise mondiale, le Vénézuéla continue à suivre le chemin de la transition vers le socialisme.

L’avance vers le socialisme

Cinq jours après la victoire du referendum, Chavez a insisté sur quelques concepts-clés : « Pour que soit le socialisme, nous avons à transformer les structures économiques du Vénézuéla, nous avons à travailler à la propriété sociale des moyens de production, qui nous permettra de générer les conditions requises pour parvenir à la justice sociale, pour qu’il n’y ait pas de misère, de pauvreté ni de crime au Vénézuéla », ajoutant, « le socialisme est scientifique ou n’est rien ».

« Le socialisme ne peut pas être seulement un simple rêve, un espoir, un sentiment », a avancé Chavez. « Le socialisme a besoin d’avoir un vrai corps, de vrais muscles, d’un vrai squelette, d’un vrai système nerveux, de vraie chair, de vraie vie…

« Nous devons transformer le modèle économique, le baser sur la propriété sociale de la terre, l’industrie, les moyens de production. C’est une question de vie ou de mort pour la révolution, pour l’espoir que la Révolution Bolivarienne n’échoue pas. Nous ne pouvons pas échouer à nouveau…

« Nous ne sommes pas parvenus là où nous sommes pour faire de petites réformes, nous sommes là pour transformer profondément les structures sociales, politiques et économiques »

Dans ce message à la nation, le président avait aussi averti : « Il y a des pays qui s’enorgueillissent de la croissance économique. Quelle surprise ! Mais en même temps que le produit intérieur brut croît, la pauvreté croît aussi.

« Quel intérêt ? »

« Pas ici : ici le pays croît économiquement, sous son propre modèle souverain, et de plus avec la réduction de la pauvreté, de l’exclusion, de la marginalité et des progrès dans les conditions de vie »

La crise économique mondiale, a expliqué Chavez, va bien sûr affecter aussi le Vénézuéla”. Mais au même moment où le ministre de l’économie, Ali Rodriguez, a ordonné « l’élimination de toutes les dépenses qui ne sont pas absolument nécessaires », Chavez a clairement dit que « le budget des missions sociales [pour les pauvres] ne sera pas diminué ».

« Les missions sont sacrées, elles sont la sève du peuple : nourriture, éducation, santé, logement, culture, écologie. Nous continuerons à investir les ressources nécessaires. »

Rien de neuf. Excepté que l’argent qui ne vient plus du pétrole sera recherché à sa source même par la révolution.

Source : http://socio13.wordpress.com/2009/03/26/venezuela-la-lutte-contre-la-crise-du-capitalisme-avec-plus-de-revolution-par-manuel-sanchez/

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