mercredi 23 février 2011

Jasmin et dignité (1)

Nabil El-Haggar

Quelque soit l’avenir de cette révolution, il est sûr que désormais l’Arabe, où qu’il soit, vient de récupérer sa dignité et l’estime de soi. C’est déjà beaucoup.

L’écrivain français Gabriel Charmes, en visite au pays du Cham en 1882, décrivant un nouvel esprit qui s’installait écrivait : « …l’inspiration à l’indépendance domine les esprits. J’ai pu observer, pendant ma présence à Beyrouth, les jeunes musulmans s’occuper à construire des hôpitaux et des écoles et à travailler pour le développement de la nation. Le plus important est que le communautarisme et le racisme étaient bannis. On pouvait trouver des Arabes chrétiens travailler dans les associations musulmanes… ».

Quelques années plus tard, la révolution arabe est déclarée contre l’empire Ottoman. Les Arabes s’allient aux Britanniques et aux Français en échange de la promesse de l’édification de l’État arabe. Un État que le mouvement national arabe a voulu, lors de son premier congrès réuni à Paris en 1913, moderne, démocratique et laïque… à l’image de la République française disait-il ! Ironie de l’histoire, la nation arabe est politiquement née à Paris, capitale de l’une des deux puissances coloniales qui trahiront les promesses données au monde arabe qui sera divisé et colonisé, avec la Palestine sacrifiée au profit de la construction d’un État juif. Ce faisant, l’Occident ferme la porte de la modernité au monde arabe.

Plus d’un siècle plus tard, la révolution tunisienne du jasmin et l’égyptienne de Midan Al Tahrir inaugurent sans doute une nouvelle ère arabe. Elles viennent d’acter la volonté populaire de se mettre debout et penser le monde par soi-même. Cela faisait trop longtemps que le doute de soi, la peur, la haine, les interdits et la méfiance envers l’autre remplissaient le cœur des arabes privés de démocratie.

En quelques jours, l’Arabe se découvre capable de volonté, de résistance ; il se sent utile, il refait société, il se pense capable de décider du monde dans lequel il aimerait vivre. Il se veut capable de juger ses dirigeants et leur intégrité, de contester leurs choix et leurs alliances, de contester des décisions politiques imposées par un Occident qui n’a pas encore compris qu’il a tout intérêt à ce que les Arabes puissent accéder à la liberté de penser, forger leur propre opinion et défendre leur droit. Un Occident qui devrait se presser de mettre fin à la politique des « deux poids, deux mesures » concernant la question palestinienne et son traitement injuste et humiliant pour tous les Arabes, à l’exception de leurs dirigeants. Par ailleurs, le silence de certains intellectuels qui d’ordinaire se font passer pour les infatigables défenseurs des droits de l’homme est assourdissant. Ils pensent sans doute que les intérêts d’Israël, ami fidèle de la dictature de Moubarak, sont plus importants que les 80 millions d’Égyptiens qui aspirent à la démocratie.

Quelque soit l’avenir de cette révolution, il est sûr que désormais l’Arabe, où qu’il soit, vient de récupérer sa dignité et l’estime de soi. C’est déjà beaucoup.

 Nabil El-Haggar


Aucun commentaire: