Fayçal Megherbi
Lors de son passage, samedi 19 février 2011, au Salon de l’agriculture, le président français, Nicolas Sarkozy, évoque le débat sur la place de l’islam en France. Ce débat est-il utile dans le contexte politique actuel ?
Pendant que les peuples du monde arabe, du Maghreb au Machrek, se lèvent et protestent pour réclamer plus de libertés et de droits à leurs gouvernants et, après les scandales à répétition dans le gouvernement français avec un voyage imprudent en Tunisie de la ministre d’État chargée des affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie, le conflit d’intérêt opéré et acté entre un proche de l’ancien président Ben Ali et le père de cette ministre, le manque de politesse et de diplomatie d’un ambassadeur, fraîchement nommé en Tunisie, devant des journalistes, le président français décide, dans le souci de remédier à tous ces événements et déceptions, d’ouvrir un débat sur l’islam en France !
L’islam, une carte politique gagnante pour certaine idéologie nauséabonde.
Le président français, en campagne électorale, soutient la réflexion de son parti politique, l’Union pour un mouvement populaire, à œuvrer sur le terrain du Front national.
Cette nouvelle initiative étonne. Il est vrai que la France prépare les élections cantonales, pour le mois de mars prochain mais la démarche ressemble curieusement à celle des élections régionales de 2010. Pour préparer ces dernières élections, le gouvernement et son président avaient lancé un débat national sur « l’identité nationale ». C’était le fiasco politique qui devait, à l’époque, être évité et qui a conduit la perte, lors de ce vote, de la droite de certaines régions.
Quelle stratégie du président Sarkozy pour briguer un deuxième mandat en 2012 ?
Le 10 décembre 2010, lors d’un meeting à Lyon, Marine Le Pen avait provoqué un tollé pour avoir comparé les prières musulmanes dans les rues à l’Occupation. Elle fait, aujourd’hui, l’objet de poursuites pénales car ces propos constituaient le délit de la provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur appartenance ou de leur non-appartenance à religion déterminée, prévu et réprimé par l’article 24-8 de la Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
Le parti du président, réitère et contribue finalement à maintenir le parti de l’extrême droite à une hauteur très élevée dans les estimations de vote. La « cote d’alerte » a en effet été franchie avec un sondage qui donne 20% d’intentions de vote à la présidente du Front national, Marine Le Pen, au premier tour de l’élection présidentielle en France en 2012.
Le président-candidat aux présidentielles de 2012 divise dans ses discours ; celui du 30 juillet 2010 à Grenoble sur l’expulsion des Roms du territoire français et la déchéance de la nationalité française a crée une polémique au sommet de la Commission européenne ; dernièrement, il a crée un mouvement de protestation, sans précédent, dans le corps de la magistrature dans une affaire qui relève du fait divers ; après cela, il enchaine immédiatement en mettant à dos la diplomatie mexicaine dans une affaire judiciaire relevant de la souveraineté d’un État indépendant. Ce samedi (19 février 2011), il a dressé un parallèle entre la campagne de communication de France Nature Environnement (FNE), qui a mis en scène de manière provocante les excès présumés de l’agriculture intensive et la réflexion lancée par l’UMP sur l’islam et la laïcité .
Ce débat voulu sur l’islam ferait attiser les haines en stigmatisant un groupe de personne en raison de sa religion. Un sujet porteur de peurs qui vise à rechercher des boucs émissaires.
La France a-t-elle vraiment besoin de cette nouvelle tentative de division entre ces citoyens avant 2012 ? Sarkozy n’a-t-il pas d’autres sujets qui pourraient rassembler et qui rendraient la campagne présidentielle plus passionnante ? Où sont-ils les fondateurs des siècles des Lumières qui ont lutté contre le fanatisme et les préjugés moraux ? L’influence de leurs écrits a été déterminante dans les grands événements de la fin du XVIIIe siècle que sont la Déclaration d’indépendance des États-Unis et la Révolution française.
Ces mauvais sujets de campagne ont, en définitive, été largué dans le débat politique français. Nicolas Sarkozy, qui finit son mandat avec un bilan très négatif sur les plans économique, politique et social, essaye, encore une fois, de séduire l’électorat de l’extrême droite… Mais finalement à quel prix !
Fayçal Megherbi - Juriste et enseignant universitaire megherbifaycal@gmail.com -
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