mardi 8 mars 2011

Sondages, une loi, vite !

Daniel Schneidermann

Le plus étonnant, c'est qu'on s'étonne.

Comment donc ? Marine Le Pen serait en tête ? Quelle surprise ! Alors que Guéant arme nos frontières contre le déferlement des sarrasins, que la moitié du gouvernement traque les burqas, et l'autre moitié commande des messes à la chrétienté éternelle, alors qu'un trésorier de Balladur-95 raconte les valises de billets qu'il fallait aller porter sans poser de questions, que le procès Chirac pourrait être reporté, ou même annulé par l'ami Jean-Louis Debré, que le PS se déchire pour savoir si Guérini est, ou non, un maffieux, et comment rassembler les preuves, comment donc ? Qu'apprenons-nous ? Marine Le Pen serait en tête ? Quelle surprise ! Oui, le plus étonnant, comme disait sur notre plateau Emmanuel Todd à propos d'autre chose, c'est qu'on s'étonne.

On ne s'étonne pas, d'ailleurs. On panique. On panique livide. On panique glacial. On panique bleu. Il fallait les entendre, tout le week-end, les UMP, canards sans tête, anticipant déjà la débâcle. Et celà même alors que le sondage Harris Interactive sent un peu fort le coup monté, au point que son maître cuisinier, Jean-Daniel Lévy..
Ci-contre, sur notre plateau, un jour où l'IFOP était sur la sellette...

...sous la mitraille de ses collègues, a dû promettre de "le refaire", en y incluant cette fois Hollande et DSK. Résultats mardi dans Le Parisien. Tout bénéf pour le journal. Fromage et dessert. Comme disait Lazareff (je crois): "une information, et un démenti, ça fait deux informations". Accessoirement, on imagine l'effet de cette annonce sur l'électeur lepéniste de base: dès qu'un sondage nous donne vainqueurs, on le refait !

Si seulement ça leur servait de leçon ! Si seulement la mise en vente libre de cet objet frelaté les conduisait à faire voter à l'Assemblée la proposition de loi adoptée à l'unanimité au Sénat, et qui vise à introduire quelque transparence dans les sondages (proposition actuellement en panne quelque part, forte récompense à ceux qui la retrouveront). Il n'est pas question de les interdire, notez bien, ce qui serait stupide, et les sénateurs ne sont pas stupides. Mais de rendre publiques les marges d'erreur (mesure qui aurait suffi à atténuer l'effet de souffle de l'annonce de la victoire de Le Pen, avec 23% sur Aubry-Sarkozy à 21%) et les données brutes.

Mais non. À parier qu'ils en redemanderont. Pas seulement les politiques, mais aussi lémédias leurs complices. Pourquoi donc se priveraient-ils d'un si bel alambic à gros titres terrifiants, d'un si efficace assommoir ? Comment demander à des intoxiqués de renoncer à leur dope, sans sevrage forcé ?

Daniel Schneidermann
Le 7 mars 2011

Arrêt sur Images

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