Je l’adore. Si elle chantait le jazz, je passerais ses vidéos tous les jours,
mais Fatou Bensouda est Madame le Procureur près la CPI, et je ne peux publier
que des extraits des communiqués de son bureau. En fait, peu importe : c’est beau comme une
symphonie du droit.
Que dit Madame le Procureur Fatou
Bensouda ?
Ce 13 mai, elle a annoncé qu’elle avait décidé d’un nouvel examen
préliminaire de la situation en Irak (Statut, art. 15), auquel il avait été mis un terme en
2006, car de nouveaux éléments lui ont été communiqué en janvier 2014.
De quoi parle-t-on ?
La procédure concerne la responsabilité de l’armée british pour des mauvais
traitements infligés à des détenus en Irak de 2003 à 2008, et qualifiés de crime
de guerre.
Ça va être chaud ?
Oui, chaud chaud chaud
Donc la CPI ouvre une enquête sur les crimes des soldats british,
notamment pour torture ?
L’enquête n’est pas encore ouverte, car c’est une compétence d’une formation
de la CPI, la chambre préliminaire, qui est seule habilitée à décider de
l’ouverture d’une enquête. Mais la réouverture du dossier par le bureau du
procureur est un évènement majeur. On se doute qu’il y aura des suites… La
procédure devant la CPI vise les commanditaires plus que les exécutants. Ça va
être chaud chaud chaud.
Qui était le prédécesseur de Madame le Procureur Fatou
Bensouda ?
Le premier procureur près la CPI était Luis Moreno-Ocampo, un garçon assez
particulier qui avait pris des décisions lamentables tant dans la gestion des
plaintes que dans la conduite des enquêtes. Tous ceux qui pense au le CPI,
indépendante du système ONU, a un avenir dans la lutte contre l’impunité
attendaient son départ. À titre personnel, j’ai pris une cuite de trois jours
pour fêter l’évènement.
Rien. Il avait été saisi par des ONG british, très impliquées, mettant en
cause des soldats british pour des mauvais traitements infligés de façon
systématique à des détenus en Irak entre 2003 et 2008.
Le monde entier sait ce qu’il en est…
Mais pas le distrayant Ocampo. Le 9 février 2006, il avait décidé de ne pas demander l’autorisation d’ouvrir une
enquête.
Demander l’autorisation à qui ?
Selon le statut de la CPI, le procureur ne dispose pas du droit
d’ouvrir une enquête. Lorsqu’il est saisi de faits, il procède à un examen
préliminaire, et s’il en ressort qu’il est raisonnable de penser que des crimes
entrant dans la compétence de la Cour ont été commis, il doit saisir la chambre
préliminaire, qui est seule habilitée à décider de l’ouverture d’une enquête.
Pourquoi ne l’avait-il pas fait ?
Le procureur doit certes veiller à ne pas encombrer la chambre
préliminaire avec des demandes illusoires. Le statut lui demande de faire un
examen préliminaire et s’il y a du contenu, il doit saisir la chambre en vue de
l’ouverture d’une enquête. C’est un point très important et qui a sali tout le
mandat du guignol Ocampo. Il ne transmettait pas les dossiers à la CPI…. et tout
le monde accusait la CPI de ne rien faire, alors qu’elle ne pouvait
s’autosaisir.
Pour ce qui est de l’Irak ?
Ocampo avait estimé que « le seuil de gravité requis par le Statut de Rome
n’était pas atteint ». Ce qui veut dire que ce lascar d’Ocampo soit ne lisait ni
la presse, ni les rapports de ONG, ni les plaintes des victimes… soit faisait
tout pour ne pas déplaire aux Etats-Unis (Territoire indien occupé, Amérique
du Nord) et à ses filiales.
Pourquoi l’affaire redémarre ?
Le 10 janvier 2014, deux importantes ONG british – European
Center for Constitutional and Human Rights (ECCHR) et Public Interest Lawyers
(PIL) – ont à nouveau contacté le bureau du procureur, désormais drivé par
Madame le Procureur Fatou Bensouda.
Il s’agit des mêmes faits, et les ONG ont apporté des témoignages
complémentaires, acquis au fil du temps, mais la problématique est inchangée. À
ce stade il s’agit de savoir s’il y a matière à enquête.
Mais l’Irak n’a pas ratifié le traité de la CPI…
La CPI est compétente pour les crimes commis sur les territoires des Etats
ayant ratifié le Traité de Rome, valant statut de la Cour. Je regrette beaucoup
que Saddam Hussein ne l’ait pas fait, car il aurait mis le territoire de l’Irak
sous protection de la CPI. Il serait toujours vivant, et nous aurions pu coller
Bush et Blair en prison illico presto. Si le Pakistan le fait, on
pourra coller Obama en prison, une ratification pouvant être rétroactive.
Mais le CPI est aussi saisie pour les crimes commis par les ressortissants des Etats
ayant ratifié le Traité. Le Royaume-Uni a ratifié le Traité le 4 octobre 2001,
et la CPI est donc compétente à l’égard des crimes de guerre, crimes contre
l’humanité et actes de génocide par des ressortissants de ce pays à compter du
1er juillet 2002, date d’entrée en vigueur des dispositions du Statut de
Rome.
C’est vraiment chaud chaud chaud…
Qu’a décidé Madame le Procureur Fatou Bensouda ?
Une décision d’Ocampo de classement n’a pas d’autorité juridictionnelle. Pour
garder une cohérence à l’action de son bureau, Madame le Procureur Fatou
Bensouda a indiqué qu’elle disposait d’informations supplémentaires, plus
nombreuses et plus détaillées. Aussi, elle vient de décider de rouvrir le
dossier pour un examen préliminaire afin de vérifier le sérieux des
renseignements reçus, conformément aux exigences de l’article 15‑2 du Statut de
Rome, et déterminera s’il y a une base raisonnable pour ouvrir une enquête.
Sur quoi va porter ce nouvel examen préliminaire ?
Il va porter notamment sur l’analyse des crimes présumés attribués aux forces
armées du Royaume-Uni déployées en Irak entre 2003 et 2008.
Quelles suites attendre ?
Madame le Procureur Fatou Bensouda va analyser les questions relatives à la
compétence, à la recevabilité et aux intérêts de la justice, pour déterminer si
les conditions requises pour l’ouverture d’une enquête sont remplies,
conformément à l’article 53‑1 du Statut de Rome.
C’est chaud ?
C’est chaud chaud chaud…
Que peut faire Londres?
S’activer pour conduire des procédures sérieuses. Sinon, le dossier sera à La
Haye.
Un commentaire ?
Non, deux.
1/ La CPI, Cour des puissants, c’est un critique qui ne repose sur rien. La
vraie question est de savoir pourquoi les victimes de violations de droit sont
écartées de la CPI, qui est la meilleure de réponses. Les avocats british ont
fait le nécessaire, contre leurs propres soldats, et on voit l’avancée.
2/ La Palestine peut continuer à ne rien faire et à se
lamenter. Mais alors, il faut que les dirigeants de l’ANP et leur cohorte
d’ONG bêlantes soient claires avec la CPI. Ils ne veulent pas de la
justice, et préfère la loi de l’occupant : dont acte, la politique a ses raisons.
Mais qu’ils ne viennent pas polluer le droit international avec des
jérémiades qui ne sont que le reflet d’une culture de la soumission.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire