Deux évènements importants ont lieu en cette fin de semaine de mai,
la conférence de Paris sur la situation au Nigéria[1] et la tentative de
conférence de réconciliation qui se tient en Ukraine. A priori, il n’y a
aucun lien entre ces deux initiatives. Et pourtant, elles éclairent
d’un jour crû les faux-semblants dans lesquels la France s’enfonce.
Elles éclairent la vision de notre Président, M. François Hollande, et
pourquoi il commet un contresens terrible et nous fait sortir de
l’Histoire.
Commençons par la tentative de rassembler une
conférence de réconciliation nationale en Ukraine. C’est une initiative
que j’avais appelée de mes vœux, à défaut d’élections à une assemblée
constituante, pour décider du futur du pays[2]. Le moins que l’on puisse
en dire est qu’elle semble très mal engagée. Les militants
indépendantistes de Donetsk et Slaviansk n’y ont pas été conviés. Seuls
des hommes du « Parti des Régions », le parti de l’ex-Président
Yanoukovitch ont accepté de s’y rendre, mais à titre personnel. Ce
parti, il y a trois ans le parti majoritaire, est aujourd’hui en crise
et a perdu une large part de sa légitimité. De l’autre côté, le
gouvernement provisoire de Kiev maintient son opération
anti-insurrectionnelle en dépit de son échec patent et d’un nombre de
victimes qui ne cesse de monter. Le fait que des milices d’extrême
droite[3] ainsi que des mercenaires américains[4] soient utilisés ne
peut que faire craindre une montée rapide du nombre des victimes. Dans
ces conditions, les propositions de décentralisation formulées par le
gouvernement de Kiev ont très peu de chance de convaincre les insurgés
de l’Est de l’Ukraine. Or, le gouvernement français, avec les
institutions européennes, apporte son soutien à un dialogue qui n’en est
pas un et veut maintenir la fiction de possibles élections
présidentielles pour le 25 mai. Il est aujourd’hui évident, et même des
journaux proches du gouvernement le reconnaissent[5], que ces élections
ne pourront pas avoir lieu dans l’est de l’Ukraine. Avant de savoir qui
dirigera le pays, il importe de savoir s’il existera u pays à diriger.
Cette évidence pour toute personne ayant fait un peu de droit
constitutionnel, ou simplement doué de facultés de réflexion, semble
avoir complètement échappé tant à M. Laurent Fabius, notre Ministre des
Affaires Etrangères, qu’à Monsieur François Hollande, notre Président.
Si la France dispose d’un certain crédit auprès du gouvernement
provisoire de Kiev, elle devrait l’utiliser pour le mettre en garde par
rapport à la tenue d’élections qui seront incomplètes, à la légitimité
douteuse et qui vont aggraver encore plus la division de l’Ukraine en
deux. Mais, le gouvernement français a abdiqué ses responsabilités
devant les pressions faites par le gouvernement américain. De fait, nous
sommes sortis de l’Histoire sur la question ukrainienne et nous sommes
devenus de simples supplétifs.
La conférence sur la situation au
Nigéria semble à première vue bien différente. Elle a été appelée pour
réagir contre l’acte criminel de la secte Boko Haram qui a enlevé plus
de deux cents jeunes filles il y a un mois. Notons cependant que cette
réaction a été pour le moins lente, et qu’elle apparaît très téléguidée
ici encore par les Etats-Unis, qui ne peuvent pas s’engager sur le
terrain et qui cherchent des alliés pour le faire. On va, alors,
souligner la proximité entre les combattants islamistes du nord-Mali et
ceux de Boko Haram. François Hollande a déjà proposé des moyens
militaires français[6]. Nous allons être impliqués dans une logique de
guerre généralisée contre les groupes islamistes dans l’ensemble de la
zone, alors que ce qui faisait la force de l’intervention française au
Mali était son inscription dans un cadre politique particulier. Ici
encore, en réalité, la France sort de l’Histoire pour devenir le valet
d’une puissance, les Etats-Unis, sur le déclin.
On commence mieux à
percevoir ce qu’il y a de commun entre ces deux événements. À chaque
fois, ils sont l’occasion de vérifier que la France ne pèse plus dans
l’Histoire. Non qu’elle ne puisse peser, bien au contraire. Nos moyens
sont et restent importants. Si nous nous étions dissociés du
« consensus » occidental pour appeler le gouvernement de Kiev à
suspendre les élections présidentielles et l’opération
anti-insurrectionnelle et à procéder, d’abord à l’élection d’une
assemblée constituante, nous aurions été entendus, et peut-être écoutés.
De même, en Afrique, les capacités tant politiques que militaires de la
France permettent de traiter les problèmes, mais à la condition de
s’entendre avec les pays africains, d’avancer notre rôle comme celui
d’un ami et d’un partenaire et non d’un allié d’une puissance étrangère.
La France est en train de sortir de l’Histoire non pas parce qu’elle
manquerait de moyens, mais parce que ces hommes (et femmes) politiques
n’ont plus de volonté. Ils sont incapables de penser un projet, et se
retrouvent de ce fait à la remorque de qui en a un. Et là, il faut
relire la prose de notre Président, M. François Hollande.
« La
fin de l’euro, c’est une austérité implacable. La fin de l’euro, c’est
la disparition de la solidarité financière, c’est une monnaie livrée à
la merci des spéculateurs. Croit-on que la force se construit dans
l’isolement ? C’est plus qu’une illusion, c’est un piège. Celui du
déclin national. D’autres veulent tout simplement déconstruire l’Europe.
Rompre tout ou partie des engagements, déchirer les traités, rétablir
les droits de douane et les guérites de la police des frontières. Se
couper non pas de l’Europe, mais du monde. Ceux-là, qui se prétendent
patriotes, ne croient plus en la France. Sortir de l’Europe, c’est
sortir de l’Histoire »[7].
Ce texte pourrait faire rire si la
question n’était pas très sérieuse. Pour autant que l’on sache, la Corée
du Sud, le Brésil, ou la Grande-Bretagne n’ont pas adopté l’Euro ; ils
ont des droits de douanes et une police des frontières. Pour autant, qui
pourrait se permettre de dire que ces pays sont sortis de l’Histoire ?
En fait, François Hollande décrit à l’inverse ce qui est en train de se
passer. Ce ne sont pas les adversaires de l’Euro et les eurosceptiques
(ou euroréalistes) qui sont en train de faire sortir la France de
l’Histoire, mais bien les europhiles et les eurobéats. Notre déclin
national, il est acté dans la stagnation économique induite par l’Euro.
Pour rester à tout prix dans la zone euro, pour satisfaire aux
conditions qu’y met l’Allemagne de Mme Merkel, nous allons d’ailleurs
procéder dans les mois qui viennent à des « ajustements », autrement dit
des coupes sombres, dans le domaine de la défense. Face à un monde qui
devient de plus en plus dangereux, on peut considérer qu’il s’agit là de
l’équivalent d’un acte de haute trahison.
Il faut s’interroger
sur cette politique de destruction de la France, sur cette germanophilie
aux relents bien sombre, sur ce discours qui nous renvoie à la période
de l’occupation. Une partie de l’élite française a pris son parti du
désastre militaire de juin 1940… Mais il faut tout d’abord s’y opposer.
Il faudra donc, lors du scrutin européen du 25 mai, faire en sorte que
pas une voix ne se porte sur le PS, sur l’UMP ou sur les partis qui sont
leurs alliés dans la mise en place de ce funeste projet, l’UDI et EELV.
La défaite du « bloc des 4 » européistes sera le début du renouveau, de
la France et des européens.
Notes
[1] « Boko
Haram : Paris accueille un sommet africain pour contrer le groupe
terroriste nigérian », Le Huffington Post, 17 mai 2014, http://www.huffingtonpost.fr/2014/05/17/boko-haram-paris-sommet-africa...
[2] Sapir J. " Ukraine, vers la guerre civile ? " note publiée le 2 mai 2014 sur Russeurope, http://russeurope.hypotheses.org/2234
[3] Ces groupes sont les responsables des tueries d’Odessa et de Krasnoarmeïsk. Paris-Match, « Ukraine : révélations sur la tuerie de Krasnoarmeïsk », 14 mai 2014, http://www.parismatch.com/Actu/International/Ukraine-Revelations-sur-l...
[4] Ces mercenaires appartiennent à la société AKADEMI, qui est le nouveau nom de Blackwater, de sinistre réputation en Irak. http://russeurope.hypotheses.org/2234
[5] « Ukraine : Moscou doute de la légitimité de l’élection présidentielle », Le Nouvel Observateur, 17 mai 2014, http://tempsreel.nouvelobs.com/ukraine-la-revolte/20140517.OBS7526/ukr...
[6] http://www.lexpress.fr/actualite/monde/afrique/francois-hollande-appel...
[7] Hollande F., « L’Europe que je veux », in Le Monde, le 8 mai 2014, http://www.lemonde.fr/europe/article/2014/05/08/francois-hollande-l-eu...
[2] Sapir J. " Ukraine, vers la guerre civile ? " note publiée le 2 mai 2014 sur Russeurope, http://russeurope.hypotheses.org/2234
[3] Ces groupes sont les responsables des tueries d’Odessa et de Krasnoarmeïsk. Paris-Match, « Ukraine : révélations sur la tuerie de Krasnoarmeïsk », 14 mai 2014, http://www.parismatch.com/Actu/International/Ukraine-Revelations-sur-l...
[4] Ces mercenaires appartiennent à la société AKADEMI, qui est le nouveau nom de Blackwater, de sinistre réputation en Irak. http://russeurope.hypotheses.org/2234
[5] « Ukraine : Moscou doute de la légitimité de l’élection présidentielle », Le Nouvel Observateur, 17 mai 2014, http://tempsreel.nouvelobs.com/ukraine-la-revolte/20140517.OBS7526/ukr...
[6] http://www.lexpress.fr/actualite/monde/afrique/francois-hollande-appel...
[7] Hollande F., « L’Europe que je veux », in Le Monde, le 8 mai 2014, http://www.lemonde.fr/europe/article/2014/05/08/francois-hollande-l-eu...
Source : http://russeurope.hypotheses.org/2292
Le Grand Soir
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