vendredi 16 mai 2014

Même pas peur !

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tgb
 
 « Tant que l'homme sera mortel, il ne sera jamais décontracté » écrit Woody Allen tout à ses angoisses existentielles.

Eh ben ça dépend !
fortino.Samano.jpgIl est quelques rares cas de mortels qui, face à la mort, ont cet étrange détachement qui laisse aussi admiratif que pantois. Une sorte de distance ironique face à leur bourreau qui semble signifier que s’ils sont bien la victime, l’autre est bien l’esclave, que si l’autre me tue, il ne m’atteint pas et que malgré les apparences, mes liens me font libre et ses armes le rendent faible.
Même pas peur.
Je suis plus fort, plus vivant, plus éternel que toi.
Ma maîtrise fait de moi le maître et renverse le rapport de force :
Feu !
Ainsi la fameuse désinvolture de l’ami Fortino Samano, compagnon du révolutionnaire mexicain Zapata, face au peloton d’exécution, mains dans les poches à mâchouiller son cigare et l’œil goguenard du genre à dire - c’est quand tu veux mon vieux, surtout te gène pas pour moi -.
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historical-photos-8.jpgAinsi la grimace comme un bras d’honneur du jeune communiste résistant Jean Quarré au caméraman allemand juste avant d’être fusillé. (Nul doute que l’héroïque Michel Onfray, la Chantal Goya du concept, saura nous démontrer dans un de ces combats surhumains tout à éplucher du fond de poubelle, que Jean Quarré comme Guy Moquet ne fut pas résistant mais qu’un vulgaire salopard bolchevik, mais c’est une autre histoire qu’il nous racontera plus tard en faisant (de la philo) dans son froc).
Ainsi cet espion russe en Finlande, le revolver sur la tempe n’ayant pas l’air de prendre tout ça bien au sérieux, la vie, la mort et la vodka…
Cul sec ?
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Ainsi encore le sourire tranquille et triomphant de Larbi ben M’hidi, héros national algérien, lors de son arrestation avant d’être torturé puis pendu par le Général Aussaresses. Convaincu comme par évidence que s’il tombe - un ami sort de l'ombre a sa place - et que c’est en mourant justement que justement il gagne.
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Ainsi enfin, Georges Blind, connu comme ‘le fusillé souriant’, subissant détendu un simulacre d'exécution, avant de mourir en déportation et que cette photo fasse le tour du monde.
D’où ces hommes, jeunes pour la plupart, tiennent t-ils donc cette force, cette sérénité, cette drôle de plénitude là où chacun irait de son désespoir ? D’où tirent ils encore cette liberté du pied de nez à la mort tout autant qu’au tortionnaire dans un ultime « viva la muerte » plein de morgue ?
Sans doute ont-ils compris qu’ils n’avaient rien à perdre que leur vingt ans, autant dire pas grand chose quand on a vingt ans et que lorsqu’on a rien à perdre on est maître du monde même désarmé. Alors que nous qui osons si peu, connaissons les affres et l’extrême gravité de louper les soldes de printemps et la sortie vitale du prochain I phone.
Sans doute aussi croient-ils par la force de leur conviction qu’ils meurent pour quelque chose et que leur sacrifice leur survivra.
Je pense souvent quand je me baigne sur une de ces plages de Normandie, que peut-être à l’endroit même où j’étends ma serviette un jeune mec de l’Arkansas mâchant du chewing-gum est venu mourir pour que je puisse faire trempette en toute insouciance et que l’Eurovision de la chanson puisse cartonner à la télé.
C’est dire si ça valait le coup.
Je ne jurerais pas que les autres baigneurs avec glacière tout à mater du monokini y pensent aussi. Mais ainsi va Eros et Thanatos et la vie qui continue.

Le sourire de Fortino, de Jean, de l’espion russe, de Larbi ou de Georges, c’est le sourire du chat d’Alice. Le sourire qui reste quand tout a disparu. Le panache, l’élégance, l’honneur…
Même si on voit plus souvent dans ce monde trivial « un chat sans sourire plutôt qu’un sourire sans chat ».


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