lundi 19 mai 2014

Palestine : 66 ans après, la Nakba est une plaie toujours ouverte

Taoufiq Tahani          

Le 15 mai est la date symbole retenue pour marquer l’anniversaire de la Nakba pales­ti­nienne. La veille avait été pro­clamée, il y a 66 ans, l’indépendance d’Israël simul­ta­nément au départ des der­nières troupes bri­tan­niques. Déjà près de la moitié des 700.000 [1] Pales­ti­niens qui seront condamnés à l’exode avaient dû prendre le chemin de l’exil. La terreur, dont Deir Yassine restera le symbole, jouait à plein.  66 ans après, la Nakba reste une plaie ouverte, et plus encore.

Une injustice non-​​résolue qui mène au pour­ris­sement

La com­mu­nauté inter­na­tionale qui avait par la réso­lution 194 de l’ONU en décembre 1948 solen­nel­lement acté le droit au retour des réfugiés pales­ti­niens s’est révélée inca­pable de seulement com­mencer à le mettre en œuvre.
Sans même parler des condi­tions souvent dégra­dantes dans les­quelles ils ont été réduits à vivre depuis trois géné­ra­tions, au Liban notamment, on doit se rap­peler les drames qui en ont résulté, avec les mas­sacres de sep­tembre noir en 1970 en Jor­danie, ceux de Sabra et Chatila en 1982 au Liban ou le cal­vaire que vivent depuis bientôt trois ans les réfugiés pales­ti­niens de Syrie.
Yarmouk, avec ses images d’horreur, est venu rap­peler à la face du monde qu’il ne suffit pas de détourner son regard pour qu’une question poli­tique fon­da­mentale cesse d’exister. Sa non-​​résolution au contraire et la per­sis­tance d’une telle injustice his­to­rique ne peut mener qu’au pour­ris­sement et générer plus de chaos.
Quant au principe de l’épuration eth­nique qui a inspiré en 1948 la mise en œuvre de la Nakba, notamment avec le plan Daleth, il continue fon­da­men­ta­lement à guider aujourd’hui les choix poli­tiques d’Israël. On se sou­vient de Sharon déclarant en sub­stance en 2001 "la guerre d’indépendance n’est pas ter­minée, nous devons achever ce qui ne l’a pas été en 1948".

Dépos­session et épu­ration

Aujourd’hui, c’est à peine si on prend la peine de maquiller l’entreprise de dépos­session et d’épuration eth­nique. Elle est mise en œuvre avec une conjonction de moyens qui devrait imposer comme une évi­dence la nécessité de sanc­tions poli­tiques déter­minées.
À Jéru­salem, c’est une poli­tique sys­té­ma­tique d’étranglement des Pales­ti­niens avec refus de permis de construire, confis­ca­tions de ter­rains sous toutes sortes de pré­textes et démo­li­tions qui jettent à la rue des familles entières [2] et se com­binent avec ces odieux "permis de rési­dence", tou­jours menacés d’être sup­primés, par les­quels la puis­sance occu­pante octroie aux Pales­ti­niens, jéru­sa­lé­mites de tou­jours, le droit de continuer à vivre chez eux.
Ailleurs en Cis­jor­danie, on sait que l’extension des colonies a atteint un rythme qua­siment sans pré­cédent depuis l’été dernier qui avait vu le démarrage des "négo­cia­tions". Gaza, elle, majo­ri­tai­rement peuplée de réfugiés, enfermée et coupée de la Cis­jor­danie, fait office de vaste camp de regrou­pement sur­peuplé pour une popu­lation qui se trouve désormais dans des condi­tions qu’on nous annonce comme invi­vables à brève échéance d’un simple point de vue envi­ron­ne­mental.

Il faut un accord poli­tique fondé sur le droit

Et cette poli­tique d’Etat se double d’une très grande tolé­rance, pour ne pas dire de col­lusion, avec ces groupes de colons ultra, de plus en plus nom­breux, qui sous la signature du "prix à payer" se vengent sur les Pales­ti­niens de tout ce qui peut leur appa­raître comme une concession.
Ils com­mencent à sus­citer une vraie inquiétude en Israël même où le romancier Amos Oz vient de les qua­lifier de "néo­nazis hébreux". Et si leur inclusion dans le rapport du dépar­tement d’état amé­ricain sur le "ter­ro­risme" a pro­voqué pro­tes­ta­tions et déné­ga­tions offi­cielles, les attaques d’édifices reli­gieux chré­tiens à quelques jours de la visite du Pape risquent de contraindre les auto­rités israé­liennes à quelques contor­sions com­pli­quées. Ils sauront très cer­tai­nement s’y plier.

Nous ne les en tien­drons pas quitte pour autant et conti­nuerons à porter l’exigence de sanc­tions auprès de la France et de ses par­te­naires euro­péens pour contraindre Israël à un accord poli­tique fondé sur le droit, seul à même de poser les bases d’une paix juste et durable et de tourner la page de la Nakba.

Notes

[1] Benny Morris, Vic­times. "His­toire revi­sitée du conflit arabo-​​​​sioniste", Édi­tions Com­plexe, 2003, p. 277.
[2] Rapport du Conseil des droits de l’homme, février 2014, à consulter ici

Source : Le + Nouvelobs

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