Thierry Brun
Le gouvernement s’est félicité des recommandations de la Commission
européenne publiées le 2 juin. Quels sont ces remèdes que François
Hollande et Manuel Valls se sont engagés à mettre en œuvre ?
Michel Sapin a accueilli les recommandations de la Commission européenne concernant « le programme national de réforme de la France pour 2014 », publiées le 2 juin, par un commentaire en trompe l’œil. Le ministre des Finances note « avec
satisfaction que la Commission valide les orientations économiques
présentées par le gouvernement dans son programme de stabilité », lesquelles répondent « globalement à [la] recommandation [de la Commission] du 5 mars dernier ».
On peut ainsi comprendre que Bruxelles ne fait que
valider sa propre stratégie économique libérale. François Hollande et le
gouvernement Valls n’en assure que la mise en œuvre, en un temps
record… Ainsi, le document relève que plusieurs mesures d’économies
supplémentaires sont prévues pour 2014, « dont l’annulation de crédits ministériels »,
dans le projet de loi de finances rectificative (PLFR) et le projet de
loi de finances rectificative de la Sécurité sociale (PLFRSS), qui
seront présentés en Conseil des ministres les 11 et 18 juin. Des mesures
présentées en mai, dans le programme national de réforme, et préparées
bien avant.
La Commission européenne propose une fois de plus une méthode Coué
pour le retour à la croissance. Un pari risqué que doit relever le
gouvernement sur le plan social et politique, après l’arrivée en tête du
FN aux élections européennes. Et un défi sur le plan économique puisque
la zone euro est loin d’être sortie de la crise. Pas une seule fois,
les dirigeants de Bruxelles n’abordent aussi le contexte de crise
écologique majeure.
La feuille de route fixée par le commissaire
européen aux Affaires économiques, Olli Rehn, est un long inventaire
comptable pour mettre la pression sur la France, d’autant plus qu’il est
peu probable que la trajectoire de réduction des déficits publics prévu
par le gouvernement puisse être tenue avec une politique d’austérité
qui prévoit une coupe massive de 50 milliards d’euros, sur trois ans,
dans les dépenses publiques, dont 21 milliards dès 2015.
Tailler dans la protection sociale
Les recommandations soufflent sur les braises en indiquant que « le
niveau des mesures d’assainissement budgétaire est insuffisant pour
garantir de façon crédible la correction du déficit excessif pour 2015
au plus tard ». Après un déficit de 4,3 % en 2013, la Commission
européenne prévoyait début mai un déficit de 3,9 % cette année et
d’encore 3,4 % en 2015. Soit un dérapage par rapport à la trajectoire
préconisée en 2013 (3,6 % en 2014 et 2,8 % en 2015).
Compte tenu du niveau élevé de la dette publique, la Commission
préconise de réduire massivement celle du régime de protection sociale
en transférant la charge de ce système sur les salariés. « D’importantes
économies à court terme ne peuvent être réalisées sans une réduction
significative de l’augmentation des dépenses de sécurité sociale, qui
représentent près de la moitié des dépenses du secteur public. Cela
signifie que les coûts en matière de soins de santé et de retraites
doivent être limités ».
Les remèdes préconisés consistent à « geler
provisoirement les retraites, ainsi que d’autres prestations sociales,
comme le gouvernement envisage de le faire actuellement ». Les allocations familiales et les aides au logement doivent être « rationalisées ». Pour compléter le tableau, des « mesures supplémentaires pour réformer le système d’allocations de chômage »
doivent être prises. Un message adressé à François Rebsamen, ministre
du Travail, qui doit accorder ou non son agrément à la nouvelle
convention d’assurance chômage (Unedic), contestée par les organisations
de chômeurs, d’intérimaires et d’intermittents du spectacle.
La réforme territoriale déjà actée
La réforme territoriale, présentée par François
Hollande le 2 juin, est au cœur des recommandations préconisées de
longue date par Bruxelles. On peut s’étonner des déclarations de Manuel
Valls qui promet l’ouverture d’un débat, mais pas de référendum, pour
associer le Parlement à cette réforme déjà inscrite dans le programme de
réforme. Celle-ci estime que « d’ici décembre 2014 », des mesures « préliminaires » peuvent être prises pour « éliminer les doublons administratifs », « faciliter les fusions entre les collectivités locales », « préciser les responsabilités de chacun des échelons des collectivités locales », « à
fixer un plafond pour l’augmentation annuelle des recettes fiscales des
collectivités locales tout en réduisant comme prévu les subventions
octroyées par l’État ».
Le smic trop élevé
Le document de la Commission martèle que la France est l’un des États membres « où le coût du travail est le plus élevé » et que les 30 milliards d’euros de « réduction du coût du travail », annoncés dans le cadre du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et du pacte de responsabilité, « ne
comblerait qu’à moitié le fossé entre la France et la moyenne de la
zone euro en termes de cotisations sociales patronales ».
Bruxelles désigne une cible : « le mode de fixation des salaires en France », responsable du fait que « le coût de la main-d’œuvre rémunérée au salaire minimum reste élevé ». Le gouvernement peut « réduire
encore, d’une manière neutre sur le plan budgétaire, les coûts
salariaux, en particulier aux niveaux les plus bas de l’échelle des
salaires ». La Commission propose donc de revoir à la baisse le
niveau du smic. On en déduit que les nouvelles règles d’indexation
modifiées par le gouvernement en 2013 n’étant pas suffisantes…
Autre cible, les « dispositions réglementaires du code du travail
ou aux règles comptables liées aux seuils spécifiques en matière
d’effectifs qui entravent la croissance des entreprises françaises ». La Commission souhaite que le gouvernement porte une « attention particulière »
à ces entraves dans le cadre du plan de simplification. Un vœu exaucé
par le ministre du Travail qui propose le gel pendant trois ans des
obligations qui s’imposent aux entreprises passant de 9 à 10 salariés,
et de 49 à 50. Ces seuils sociaux sont accusés d’être des freins à
l’emploi, comme le soutiennent le Medef et la CGPME, et d’entraver la
croissance des entreprises, comme l’affirme la Commission européenne.
Signe d’une ambition commune de lancer de nouvelles réformes
libérales, les recommandations n’ont pas été suivies d’une opposition de
principe de la part du gouvernement et de François Hollande. L’adoption
prévue au Conseil européen de début juillet ne devrait pas poser de
problème.
politis.fr
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