Auréolés par leurs brillants succès électoraux, le PS et l’UMP
continuent à faire la politique du Medef : ils s’attaquent au principe
de précaution. Une proposition de loi en ce sens a été adoptée au Sénat,
avec l’accord du gouvernement. OGM, pesticides, gaz de schiste devraient, selon les « chiens de garde du productivisme », être jugés d’après le « principe d’innovation ».
Le principe de précaution, pourtant constitutionnalisé sous Jacques
Chirac, a été encore une fois l’objet d’un bras de fer permanent entre
écologistes et tenants du productivisme.
Mardi dernier au Sénat, en catimini, à la veille de l’ascension, ces
derniers ont mené contre ce principe une offensive en règle, passée
inaperçue après le tsunami Le Pen. Contre les groupes écologistes et
communistes, l’UMP et le PS, main dans la main, ont donc voté des amendements tendant à dénaturer le texte de la Charte de l’environnement, adoptée en 2004 et inscrite dans la Constitution.
Elle stipule dans son article 5 : "Lorsque la réalisation d’un
dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques,
pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les
autorités publiques veillent, par application du principe de précaution
et dans leurs domaines d’attribution, à la mise en oeuvre des procédures
d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et
proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage."
Plusieurs notions sont ici essentielles : le caractère "incertain" du dommage, son impact "irréversible", la nécessaire "évaluation" des risques, enfin, la dimension "proportionnée" de la réponse.
C’est à ces notions que se sont attaqués les sénateurs de cette
coalition contre nature, conduite par Jean Bizet, bien connu pour son
indéfectible soutien aux OGM. Pour ces chiens
de garde du productivisme, il ne s’agit pas de supprimer la Charte, mais
de la dévitaliser, de neutraliser son impact devant les tribunaux. Jean
Bizet a d’ailleurs présenté sa proposition de loi après la relaxe de 54 militants anti-OGM, le 14 mai dernier, par le tribunal de Colmar. Ils étaient accusés d’avoir arraché des plants d’une parcelle étudiée par l’INRA.
L’objet de cette proposition de loi est donc d’ouvrir une brèche dans l’application du principe de précaution pour permettre à « l’expertise scientifique » de faire son travail. En réalité, il s’agit de créer les conditions pour rouvrir le débat sur les OGM
et les gaz de schiste, et de soutenir aveuglément des innovations
technologiques sans se poser la question de leur impact sur
l’environnement et la santé. En quelque sorte, le retour à l’époque des « experts » qui cautionnaient l’amiante !
Dans ces amendements apparemment anodins, il s’agit de prendre en compte « les
mesures provisoires, à un coût économiquement acceptable … le
développement des connaissances scientifiques, la promotion de
l’innovation, le progrès technique pour une meilleure évaluation des
risques et une application adaptée du principe de précaution ».
La ministre de la Recherche, Geneviève Fioraso, n’a pas désapprouvé
ces modifications qui pourraient conduire à des jurisprudences remettant
en cause les avancées obtenues dans les procès depuis 2004. La logique
des auteurs de ces amendements est imparable : Si le Code du travail
doit être mis à bas pour imposer la politique de compétitivité, alors il
faut aussi faire sauter le principe de précaution pour assurer le
développement productif dans l’agriculture et l’industrie. Le gaz de
schiste, les OGM, l’élevage intensif, les
produits chimiques ou les ondes magnétiques tout doit être soumis au
seul impératif du redressement de la marge des entreprises.
Il faut que les écologistes réfléchissent sur cette alliance entre le
Medef et une partie des scientifiques. L’Etat n’a plus les moyens de
soutenir la recherche fondamentale. Nombre de chercheurs croient trouver
leur planche de salut du côté de la finance et de l’industrie.
Inconsciemment ils reprennent le discours de la compétitivité à leur
compte. De son côté, le gouvernement tient un double langage : d’une
part, il n’a à la bouche que les mots agro-écologie et transition
énergétique, économie verte et développement durable ; de l’autre, en
jouant la fausse neutralité, il laisse entendre que le principe de
précaution peut être une entrave au redressement productif de la France.
Même si ce texte - qui nécessiterait une révision constitutionnelle
de plusieurs articles de la Charte - ne franchira pas les portes de la
Haute- Assemblée, la remise en cause d’un principe essentiel a bien eu
lieu. Nul doute qu’Arnaud Montebourg, Bernard Cazeneuve, Laurent Fabius
et bien d’autres membres du lobby productiviste s’engouffrent dans cette
brèche.
Le gouvernement joue avec le feu. Le principe de précaution n’est pas
un gadget que l’on sort pour calmer les écolos, mais un principe qui
consiste à éviter que les sociétés se laissent imposer la
marchandisation du monde au nom du progrès, de la science et du profit.
Une raison de plus pour accélérer le regroupement des partisans d’une
écologie de rupture.
Dessin : Roulies (Planet workshop)
reporterre.net
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