On
se souvient que les funérailles de Nelson Mandela s’étaient déroulées
en l’absence remarquée du premier ministre israélien et du 14e du
dalaï-lama (voir LE GRAND SOIR du 19/12/2013, http://www.legrandsoir.info/deux-absences-remarquees-aux-funerailles-d...).
Voilà que ces deux messieurs se trouvent à nouveau réunis, cette fois
par leur réaction fort semblable à l’élection du nouveau premier
ministre indien.
Le
16 mai 2014, le nationaliste hindou Narendra Modi remportait les
élections en Inde. Dès l’annonce de cette victoire, les premiers à l’en
féliciter ont été Benjamin Netanyahu et … le dalaï-lama.
L’hommage
de Netanyahu était attendu. Entre « le seul État démocratique » du
Proche-Orient et « la plus grande démocratie » du monde, les liens ne
datent pas d’hier, comme le rappelle la journaliste indépendante Aditi
Bhaduri : La visite d’État de l’ancien Premier ministre Ariel Sharon en
2002 - le premier et jusqu’à présent seul Premier ministre israélien à
se rendre en Inde - était un tournant dans les relations bilatérales.
Des liens ont été depuis de bon ton (…) Israël est le plus grand
fournisseur d’armes de l’Inde et les deux pays cherchent la coopération
dans un éventail de secteurs, notamment l’agriculture (voir site « i24
news » du 17/05/2014).
Et surtout, le BJP, le parti nationaliste
hindou de Modi n’a jamais caché son admiration pour l’Etat juif. Durant
les dix années où il a dirigé l’État du Gujarat, Narendra Modi s’est
fait remarquer non seulement par ses succès économiques, mais aussi par
son discours islamophobe. Au nom de l’hindouisme, il a pratiqué
vis-à-vis de ses concitoyens musulmans une politique extrêmement dure
qui n’est pas sans rappeler la politique menée par Israël au nom du
judaïsme vis-à-vis des populations palestiniennes.
Les 175
millions de musulmans que compte l’Inde ont sans doute quelques soucis à
se faire. Car comme l’écrit Christophe Jaffrelot, Directeur de
recherche au CNRS, le but [des nationalistes hindous du Gujarat] n’était
pas seulement de piller et de détruire des biens privés – même si cela a
aussi eu lieu – mais bien de massacrer et de chasser les intrus (…) Il
s’agissait bien d’éliminer toute trace de présence musulmane (Les
violences entre hindous et musulmans au Gujarat in Revue Tiers Monde, t.
XLIV, n° 174, avril-juin 2003, p. 361). Modi pourrait-il appliquer à
l’Inde entière cette politique de purification ethnique qui fait
inévitablement penser à celle pratiquée par le gouvernement israélien en
Cisjordanie et sur le plateau du Golan ? Peut-être pas : étant donné
que l’Inde fait aujourd’hui partie du BRICS multiethnique et
multiculturel, Modi sera sans doute obligé de modérer ses pulsions
confessionnelles.
Le deuxième personnage à s’être manifesté au
soir du 16 mai n’est autre que le dalaï-lama qui, dans une lettre à
Modi, l’a félicité de son élection à la tête de la plus grande nation
démocratique au monde. Mais l’Inde, c’est aussi un pays où travaillent
40 millions d’enfants et où des dizaines de milliers de paysans, livrés
au chantage de Monsanto, se sont suicidés. Le dalaï-lama n’aurait-il
pas pu y faire allusion auprès de Modi, justifiant ainsi sa réputation
compassionnelle ? Aurait-il craint d’indisposer les nouveaux dirigeants
d’un État qui lui accorde l’hospitalité depuis plus d’un demi-siècle ?
Par
ailleurs, que pensent de cet axe bouddho-hindouiste les Hui (musulmans
chinois) vivant au Tibet depuis des siècles ? Il convient de rappeler
qu’il y a deux grandes mosquées à Lhassa, la verte et la rose :
qu’adviendrait-il de la minorité musulmane si ‒ ce qu’à dieu (!) ne
plaise ‒ le Tibet devenait un État bouddhiste régi par le dharma ?
Cette hypothèse reste heureusement à l’état de fantasme : tant qu’ils
seront protégés par leur statut de citoyens de la République laïque de
Chine englobant la Région autonome du Tibet, les musulmans tibétains
pourront vivre en paix.
Dernière question : le dalaï-lama n’a-t-il
pas déclaré solennellement en 2011 qu’il renonçait à toute activité
politique ? Sous sa robe religieuse, il n’a pas cessé pour autant de
multiplier les prises de position politiques partout dans le monde.
Derniers exemples : le 5 novembre 2013, il se mêle du conflit
territorial opposant le Japon et la Chine sur les îles Diaoyou. Le 21
février 2014, il est reçu par Obama. Le 22 avril 2014, il apporte son
soutien au premier ministre conservateur du Japon Shinzo Abe et à … sa
politique nucléaire.
Ne serait-il pas temps que l’« Océan de sagesse »
prenne exemple sur l’ex-pape Benoît XVI en se retirant dans un monastère
et en cessant de se produire sur un échiquier géopolitique manipulé par
d’autres ?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire