L’incivilité c’est lorsque l’on ne respecte plus l’autre,
ce qui s’exprime par le non-respect de ce qui est commun à l’ensemble
des membres d’une collectivité, aussi bien les valeurs morales que les
biens matériels.
Il y a toujours eu de l’incivilité, ou des incivilités, cela tient à
la manière dont la société a su ou non faire intégrer à ses membres ses
valeurs morales. Mais de manière générale, l’incivilité est un phénomène
marginal qui tout en étant sous contrôle de la société, ne constitue
cependant pas un élément de déstabilisation sociale.
Lorsque l’incivilité devient un phénomène récurrent, général et
déstabilisant, se pose alors un problème grave à l’ensemble de la
société. Ce phénomène montre alors que celle-ci n’a plus les moyens de
faire respecter la règle commune, tacitement acceptée par tous.
L’incivilité peut prendre différentes formes qui, à priori, n’ont pas de liens entre elles :
- la délinquance simple : l’atteinte aux personnes et aux biens, qui peut aller jusqu’à la délinquance organisée (maffias, réseaux,…),
- la dérive communautariste qui fracture la société et soumet ses règles aux lois des clans,…
- le refus de la règle, présentée comme l’expression du fonctionnement démocratique de la société : l’abstention politique entre autre.
Bien sûr ces différentes formes représentent des niveaux de
conscience et d’intérêt très disparates. Tous, pourtant, concourent à un
affaiblissement du fonctionnement social, à une déstabilisation de la
collectivité.
L’incivilité est le symptôme du délitement du lien social. Plus
l’incivilité se généralise, plus cela signifie que le lien social est
atteint, n’assure plus la cohésion sociale qui fait que le vivre
ensemble est possible.
Mais qu’est ce que le lien social ? C’est l’ensemble des
relations qui, dans une société donnée, fait que chaque individu occupe
une place déterminée et par là-même, trouve un sens à
l’ensemble dans lequel il vit. La stabilité sociale est assurée quand le
lien social fait consensus, même s’il est fondé sur des situations
conflictuelles et antagonistes. Exemple : dans les pays de capitalisme
développé, le lien social marchand, salarial, quoique conflictuel
est/était fondé sur un relatif consensus qui assure la stabilité de
l’ensemble du système.
La remise en question de l’ensemble du système peut se faire de deux manières :
- soit de manière explicitement politique par un projet de transformation radicale qui, à la fois dénonce le système existant et en propose un autre… c’est ce que l’on appelle un processus révolutionnaire ;
- soit par une lente dégradation de la stabilité du système … dégradation qui prend la forme d’incivilités, révoltes sporadiques, refus collectifs, transgression des règles,… le tout sans projet d’ensemble… c’est la décadence.
C’est le deuxième cas que nous vivons aujourd’hui. L’incivilité est l’expression de la perte de sens
du système. Les institutions qui le structurent sont en crise : classe
politique déconsidérée, système électoral incapable d’apporter une
quelconque solution, appareil de production qui n’assure plus
l’intégration sociale, Ecole déboussolée, effondrement des services
publics, développement de la concurrence et de l’individualisme,… Bref,
les valeurs qui fondaient la République et qui constituaient un ciment
social, apparaissent comme dépassées et obsolètes.
Les autorités politiques ne peuvent évidemment pas reconnaître une
telle situation. Aucun pouvoir politique ne peut reconnaître la
décadence de la société à la tête de laquelle il se trouve. Il lui faut
trouver des explications détournées : complot de l’étranger, terrorisme,
maffias, perte de sens moral, crise économique, …
Il confond souvent, et c’est actuellement le cas, la cause avec la conséquence…
Exemples : ce n’est pas le communautarisme qui monte en France qui
est la cause de la décadence, mais l’inverse… le système excluant,
individualisant, fragilisant, précarisant, chacun essaye de se protéger,
de trouver de nouveaux repères… Ce n’est pas l’abstention qui est la
cause de la crise du politique, mais au contraire la politique
déconsidérée qui entraîne le refus de cautionner les politiciens…
Le modèle républicain d’intégration ne fonctionne plus… la crise de l’Ecole en est le symptôme le plus évident.
La riposte de la société se fait selon deux schémas ; la persuasion/éducation et la répression…. La carotte et le bâton.
Rappel des valeurs et appel à la responsabilité. Ces actions tombent
d’autant plus mal qu’elles sont évoquées par une classe politique
parasite souvent corrompue et ayant perdu tout crédit. Reste le bâton,
l’ordre.
Difficile dialectique pour le pouvoir dans une société en pleine
décadence… et dans laquelle aucun projet d’avenir n’apparaît. La décadence nourrit les incivilités qui elles même préparent le terrain à toutes les démagogies… et donc à toutes les aventures.
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