
Le
soleil décline puis se retire. Le jour s’efface et la nuit tombe. Le
silence s’installe. Blida, la ville des roses, chère à Jean Daniel et à
Jean Pellegri, se prélasse dans la moiteur d’une fin de journée d’été
caniculaire que Baya, l’artiste, avait paraphé dans ses oeuvres.
Les
Blidéens sortent pour prendre le frais. Des voix de femmes chantent une
nouba venue de nulle part. Une fête de mariage dans la maison des
Benchouch. Du patio andalou sortent trois youyous stridents qui montent
dans le ciel de la Mitidja comme signature de la joie et de la gaieté.
Il est minuit, l’heure des braves et tout va bien. C’est l’heure aussi
où une jeune fille va bientôt devenir femme. Une foule rassasiée de
baqlaouas et de maqroutes scrutent de l’oreille le starter pour la
défloration. Dans une chambre fraîche et fleurie la mariée attend
gentiment mais avec hantise l’entrée du futur époux.
Dans
le patio, sur le chemin des vendanges et des caresses, le jeune homme
en burnous blanc avance presque en ahanant. Il est retenu, à gauche et à
droite par la mère et les tantes pour être conduit à la grotte
merveilleuse : la grotte nuptiale. Des youyous stridents montent pour
monter vers l’ozone d’un ciel étoilé. Trois strophes de youyous. La
première est pour les invités, très courte. La seconde pour la famille
de l’épousée, stridente et étalée. La troisième, colorée, très longue,
pour les heureux élus afin que la graine donne une bonne récolte. Un
encensoir balance dans la main d’une veille femme et dégage une fumée
odorante qui ajoute à l’excitation.
La
mère du jeune prétendant se présente devant la porte des miracles : la
chambre nuptiale. Sa mère lui ôte son burnous et lui ouvre la porte. Le
jeune homme entre, la porte se referme. Elle perd son fils mais gagnera
de l’honneur.
Dans
la chambre, la fille en tenue d’apparat est assise sur une chaise
rembourrée, le visage baissé comme pour lui montrer son diadème pourpre,
coquelicot égayant des cheveux de blé. Il lui relève la voilette et lui
pose un baiser sur le front. Il la prend par main et l’étale sur le
lit, somptueux, qu’il rejoint de l’autre bord. Il la caresse, mélange
son souffle au souffle de sa dulcinée puis se prépare à effectuer la
plus belle œuvre naturelle de la création, éthique et esthétique.
Soudain,
il arrête le jeu des caresses, se lève et se dirige vers un lecteur CD.
Il glisse un disque puis une tonitruante musique de Raï noie la
chambre. Il rejoint l’épousée, lui sourit et juge qu’elle doit aimer cette musique aphrodisiaque.
Soudain,
la musique s’arrête. Ah ! Non. Que se passe-t-il ? Il regarde la fille,
lui sourit encore et se lève pour faire redémarrer l’appareil. Il n’y
arrive pas. Il tripote l’appareil devant, il tripote derrière. Ca ne
repart pas. Pas de musique, pas d’ambiance, pas d’amour. Il lui faut un
tournevis.
Il se rhabille, sort et appelle sa mère alors que toutes femmes attendent l’heureux évènement. « Déjà ? » pensent quelque unes.
Yemma, dit-il. Va me chercher un tournevis.
Sa mère horrifiée, bégaie et dit :
- Mon fils ça ne se fait pas avec un tournevis. Ouèch hbelt ! Etale-toi près d’elle, caressez-vous, elle te montrera comment faire.
Notes
*Raï : musique rythmique algérienne
Yemma : mère.
Ouèch hbelt : quoi, tu es devenu fou !
Abderrahmane Zakad – Alger -Juillet 2014 (Tiré d’un recueil humoristique en cours d’édition- Histoires créées par Zakad)
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