Face à la menace terroriste liée à la guerre en Syrie, le
gouvernement socialiste réagit par une offensive sécuritaire et
médiatique. Examiné mercredi en conseil des ministre, le projet de loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme passera bientôt en procédure accélérée devant les députés.
L’objectif annoncé : réactualiser l’arsenal législatif afin d’endiguer
le départ au Djihad de ressortissants français, et stopper la spirale
radicale des loups solitaires, ces candidats au terrorisme qui agissent
seuls. Pour Bernard Cazeneuve, faisant référence au cas Merah et
Nemmouche “ Les événements récents ont mis en lumière quelques manques de
notre législation qu’il importe de combler afin de mieux prévenir et
mieux réprimer de tels actes. ”
Pourtant, selon le dernier rapport d’Europol, 58 actes terroristes sur 63 commis en France durant l’année 2013 furent le fait de séparatistes. Se tromperait-on de cible ?
Mesure phare, l’institution d’une interdiction administrative de sortie du territoire
Dans un entretien paru dans Libération, le président de la Licra a
cependant pointé des éléments anticonstitutionnels pour cette
interdiction dont l’objectif est d’endiguer le départ en Syrie ou en
Irak de certains ressortissants, majeurs ou mineurs, et pouvant
représenter une menace à leur retour. Il serait injuste de restreindre
la liberté de circulation à moins d’avoir des “ documents incontestables ”
concernant la dangerosité des individus soupçonnés.
La procédure choisie fait également débat
“ Aucune garantie judiciaire n’est prévue avant que l’interdiction
administrative ne soit prononcée. Il n’y a aucune intervention du
magistrat du siège alors qu’il est le garant des libertés fondamentales ”
s’indigne la présidente de la commission nationale consultative des
droits de l’homme (CNCDH) dans un entretien paru Le Monde.
Pour éviter l’escalade radicale qui mènerait au terrorisme, le
gouvernement mise aussi sur un dispositif de blocage administratif des
sites de propagande terroriste. Pour Cazeneuve, “ Le recrutement se fait
essentiellement, pour ne pas dire exclusivement, par Internet ”. D’après
les faits récents, le recrutement s’effectue pourtant ailleurs, comme en
prison.
Le blocage risque donc d’être à côté de la plaque, en plus d’être
antidémocratique. Cette forme de censure ne relève en effet pas du
judiciaire mais de l’administratif, tout comme l’interdiction de sortie.
Autrement dit, aucun procès n’aura lieu pour décider si un site sera
bloqué ou non : le Ministère de l’Intérieur décidera. Seul un magistrat
pourra observer à postériori ce qui aura été bloqué. Vu le risque
évident de surblocage, le projet de loi menace directement la liberté
d’expression d’individus ou d’organisations qui n’incitent pas au
terrorisme.
Les mesures visant le “ cyberdjihad ”, quelle que soit la définition de
ce mot, sont en partie vouées à l’échec, et ce par leur nature même. ll
est difficile d’imaginer des terroristes capables d’observer le champ
de vision d’un drone mal protégé et qui seraient incapables de
contourner un blocage. Ainsi, le petit torrent du djihadisme
transnational le plus avancé coulera certainement dans un autre lit, à
l’abri des mesures de blocage. De même, on peut également douter du
découragement d’un candidat au Djihad devant la censure des sites webs
le concernant directement.
Ce blocage pourrait même s’avérer néfaste en entrainant une
complication du travail d’investigation des services de renseignement.
Ce serait une balle tirée dans le pied de l’antiterrorisme tandis que
des sites web légitimes risquent d’être bloqués. Au Royaume-Uni, le filtrage des contenus pornographiques bloque ainsi des contenus qui n’ont rien à voir avec la pornographie.
La lutte contre les actes terroristes et leurs auteurs doit cependant
avoir lieu, mais dans le strict respect de l’Etat de droit. Réagissons
donc face à la menace du blocage administratif qui sera toujours
intempestif dans un régime qui se veut démocratique.
Source : www.huffingtonpost.fr
Les Crises


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