
N’imaginez surtout pas que je rigole de voir autant de gens dans
toutes les familles subir les affres d’un marché du travail devenu
épouvantable.
Je ne suis pas seul dans mon coin en ayant un CDI
tranquillou bien au chaud. Non, je suis comme chaque Français d’en bas
avec plus ou moins de dents mais, en ce qui me concerne, beaucoup de
mordant. Et nous avons dans notre entourage forcément des personnes qui
galèrent et qui galèrent vraiment. Alors non, je ne rigole pas de cela,
je rigole parce qu’il vaut mieux en rire qu’en pleurer et que l’humour
doit être une arme et une protection de l’incurie de ceux qui nous
gouvernent, de leur incompréhension totale de ce qu’est la vraie vie des
vrais gens, de ce que c’est de vivre avec 500, 1 000 ou même 2 ou 3 000
euros par mois mais pas avec 10 K€, une voiture de fonction et la «
cantoche » de l’Assemblée nationale.
Je me gausse de Rebsamen, notre mamamouchi en charge du bien mal
nommé « ministère de l’Emploi », rien que le nom de ce ministère en
pleine période de chômage de masse est une blague. Une blague, le
ministre l’est aussi. Celui-là et ceux d’avant. Incapables, ne faisant
rien, ne pouvant rien, ne voulant rien, otage bien consentant d’un
système économique devenu fou et que personne, personne ne veut
réellement faire changer tant la minorité qui gagne se goinfre désormais
sur le dos du reste des peuples.
Je ris, oui, je ris de ces pleins de la bonne soupe (payée par nous
autres pauvres con-tribuables) et qui nous expliquent doctement, comme
ce fut le cas de Rebsamen, celui qui voulait sanctionner les chômeurs,
que les chiffres du mois d’août permettent de « respecter les objectifs,
c’est-à-dire moins de 3 millions de chômeurs ». Sauf qu’ils ne sont pas
3 millions les chômistes chômant mais très exactement : 5 595 600… soit
en gros 5 millions et demi. Je m’excuse de réduire ces souffrances à un
chiffre et à une statistique mais toutes catégories confondues ils
seront bientôt 6 millions.
Comment ça 6 millions, le gouvernement parle de 3 !!!
Tu racontes n’importe quoi mon pauvre Charles. Ce n’est pas ma femme
pour une fois qui est dubitative mais mon père (un sans-dents lui aussi,
et ne me demandez pas de lui acheter un dentier… il n’acceptera des
sous de ses enfants que le jour où un juge l’aura mis sous tutelle,
d’ailleurs si il y a un magistrat parmi vous prêt à me signer une
tutelle, juste le temps de le forcer à se poser des dents…). Bref, il a
tout de même fallu que je lui mette sous les yeux l’impression du
document de la DARES (qui est le service qui comptabilise les chômeurs
pour le compte du mamamouchi ministre des chômistes) pour qu’il me
regarde l’air éberlué… « Ben ça alors, ça m’en bouche un coin… » Je sais
papa… « Ben ça doit être au moins deux fois plus dur de trouver du
travail vu qu’ils sont deux fois plus nombreux que ce que je pensais… »
Oui, c’est exactement ça papa.
« Mais alors fils, l’autre, là, le Rebsamen, il a dit qu’il voulait
sanctionner les chômeurs, et qu’est-ce qu’il a fait depuis ? »
Eh bien il a sanctionné les chômeurs, enfin disons qu’il dit qu’il y a
11 000 chômeurs de moins que le mois d’avant, mais, il en a viré 28 700
de plus que le mois d’avant pour « cessation d’inscription pour défaut
d’actualisation ». Donc en fait + 28 700 – 11 000 = + 17 700 chômistes
chômant en plus.
« Mais c’est quoi une cessation d’inscription pour défaut d’actualisation ? »
Papa, quand tu es chômeur, tous les mois tu dois actualiser ta
situation par Internet en te connectant sur paulemploi.fr (regard
éberlué du père qui se tient loin de tout ce qui peut ressembler à un
écran avec clavier)… Heu, tu dois remplir un formulaire en cochant des
cases pour savoir si tu as ou pas travaillé ce mois-ci, si tu recherches
bien du boulot ou si tu as fais quelques heures de temps partiel à
droite ou à gauche. Si tu bricoles un peu, tu dois le dire. En fait, tous
les mois, tu dois faire une déclaration à Paul emploi. Évidemment, au
mois d’août, le soleil brille, les employeurs et les DRH sont tous en
vacances, donc… les chômeurs n’ont pas grand-chose à faire et tous les
étés il y en a plein qui oublient tout simplement de renvoyer ce papier
(et maintenant de se connecter sur Internet). Ils sont donc
automatiquement radiés et pas payés bien sûr.
« Tu m’en diras tant… »
Mais ce n’est pas tout papa. Il y a même 1,7 % de fin de missions de
CDD en plus qu’en juillet, sans oublier les licenciements économiques
qui augmentent encore d’un petit poil, environ 0,7 %. Je te passe le
fait qu’il y ait 3 000 malades de plus qui, du coup, relèvent de la sécu
et plus du Paul emploi (les chômistes aussi peuvent être en arrêt
maladie)….
« Ce n’est vraiment pas bon alors ? »
Vraiment pas bon, non, et pas du tout encourageant.
« Mais comment peuvent-ils nous débiter autant d’âneries et nous
mentir à ce point tous les jours alors ? Ils disent que ça baisse alors
que tu viens de me démontrer preuves à l’appui que ça monte… C’est
dingue ! »
Le problème c’est que nous sommes dans une ère d’hyper-communication
où plus personne ne prend la peine de se donner de la peine. Personne ne
veut plus lire plus de 30 secondes, toute pensée doit être réduite à un
slogan ou à un tweet de 140 caractères, alors il n’y a plus de place
pour l’analyse. Juste quelques chiffres, quelques faits, pour le reste
la « star-ac » et autre émission de télé-réalité pourvoiront à
l’occupation du temps de cerveau disponible des masses.
Un chiffre chassera l’autre, demain une autre information viendra
tout balayer, puis on passera à la suivante dans un flot continu et
perpétuel qui finalement empêche les gens de voir la situation, de
prendre du recul, le temps de la réflexion… et donc de réagir.
Étouffés sous l’immédiateté de l’information et de la société, nous
sommes condamnés à regarder les trains passer sans jamais pouvoir monter
dedans.
« Tu n’es pas très optimiste dis-donc, mais tu as raison, tout va trop vite. »
Oui et c’est fait exprès, c’est volontaire, c’est un outil de ce que
l’on appelle « la fabrication du consentement », cette immédiateté nous
met par définition dans une position de soumission et cela altère
fondamentalement le fonctionnement démocratique de nos sociétés.
Ralentir n’est pas un luxe, c’est devenu une nécessité.
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