
J’aimerais faire de cet article un plaidoyer en faveur du
rôle de l’État que le capitalisme sauvage, complice des néolibéraux,
voudrait réduire à sa portion congrue.
Dans une entreprise,
les charges et salaires sont en concurrence, dans un chantage
permanent, avec le profit. Diriez-vous que le profit est une charge ?
Non, évidemment, puisque tel n’est pas le point de vue répandu par la
pensée unique. Mais du point de vue des
salariés, c’est le profit et les dividendes qui sont le boulet : chacun
voit midi à sa porte, et l’heure officielle est celle des dirigeants.
Le coût d’un fonctionnaire
n’est pas égal au budget de la fonction publique divisé par le nombre
de fonctionnaires. L’État, c’est nous tous, et les prélèvements
obligatoires ne servent pas uniquement, loin s’en faut, à payer les
fonctionnaires, mais à assurer la maîtrise d’ouvrage de notre patrimoine
commun et des services indispensables et non monétisables, ainsi que de
garantir les investissements d’avenir.
Les fonctionnaires sont
de deux sortes : d’une part, les agents chargés de gérer ce patrimoine
collectif qu’on appelle la Nation, et d’autre part les agents chargés de
produire des services.
Les premiers gèrent un budget considérable
qui est dépensé principalement en appels d’offre, ce qui fait le
bonheur des entreprises privées, notamment quand elles ont réussi à
faire du lobbying (c’est un euphémisme) pour obtenir les marchés. Et
quand elles se plaignent des dépenses de l’État,
alors on peut dire qu’elles se prévalent de leurs propres turpitudes :
le plus haïssable comportement qui soit. On classe ces dépenses de
l’Etat dans la rubrique keynesianisme, la bête noire des libéraux qui se
trouvent sur ce point en opposition avec les bénéficiaires de ces
largesses.
Quant aux agents chargés de produire des services
– la police, les enseignants, les soignants, etc. -, ils produisent les
richesses qui les rémunèrent. À ce sujet, un agent de l’État est a
priori aussi productif qu’un agent du privé. Ceux qui disent qu’un bon
fonctionnaire est un fonctionnaire mort mériteraient d’être poursuivis
en justice pour appel à la guerre civile.
De fait et par conséquent,
la plus-value des salariés du service public appartient en partage aux
salariés et à l’État, c’est-à-dire à la nation. Dès lors, le
fonctionnaire ne « coûte » plus que son salaire brut, et comme ce
salaire est, a priori la juste rémunération qui lui revient, s’il y a
une plus-value, c’est tout bénéfice pour la collectivité. Donc le
fonctionnaire ne coûte rien, puisqu’il travaille, au contraire du
rentier qui lui ne produit rien.
Pourquoi les capitalistes râlent-ils ?
Parce que cette plus-value du travail des fonctionnaires appartenant de
droit à la collectivité, est un cruel manque à gagner pour eux qui ont
coutume d’avoir le beurre et l’argent du beurre :
d’autant plus cruel qu’ils ont de l’argent à ne plus savoir qu’en faire
et développent un stress considérable à l’idée que cet argent se
dévalue, comme Harpagon qui ne vivait que pour sa cassette.
Au sujet du stress : une
expérience réalisée dans un laboratoire de comportements a mis en
évidence que, dans un groupe social, ce sont les individus les plus
stressés qui deviennent dominants. Qu’on se le dise.
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