Depuis le début octobre auditeurs et
téléspectateurs des principaux médias audiovisuels, comme France Inter
ou les grandes chaînes de télévision, n'auront pu qu'enregistrer des
événements bruts : un Palestinien tué par balles réelles sur un check point, deux colons tués dans leur voiture, puis une accélération des violences...
Ce qu'ils appellent "un nouveau cycle" ou
mieux, "une nouvelle spirale" de violence. Cycle ou spirale ayant
l'avantage de supprimer toute temporalité inscrivant dans une
circularité éternelle le retour inéluctable d'une violence immanente
débarrassée de toute causalité.
Jouer la carte du dominant
Ce qui est remarquable, c'est l'absence
quasi totale de commentaires de ces événements. Pas d'interviews
d'experts, pas de débats contradictoires ou non, pas d'analyses sur les
causes ou les conséquences, les solutions éventuelles, en d'autres
termes, pas de discours sur le réel. Cela finit par interpeller.
Que signifie l'énoncé brut des faits ? On
peut penser qu'il ne signifie rien justement. Pourtant, cette absence
est signifiante en elle-même.
Ce qu'elle dit d'abord et avant tout : "il
n'y a rien à comprendre, nous sommes devant des violences gratuites". Le
citoyen en déduit qu'ils s'entre tuent, point. Il n'y a donc rien à
penser pour l'auditeur ou le téléspectateur, renvoyé à sa seule opinion,
comme les Palestiniens et les Israéliens semblent l'être eux aussi dos à
dos.
Mais – et c'est là le plus vicieux de la
méthode car il s'agit bien d'une méthode, déjà éprouvée avec la crise
syrienne à ses débuts –, ne pas donner à penser, c'est jouer la carte
du dominant.
Ne pas expliciter la situation syrienne
correspondait à une volonté politique française de ne pas s'interposer
entre Bashar Al Assad et son peuple en révolte. Même chose avec la
répression de la Tchétchénie : circulez y'a rien à comprendre, parce
qu'il n'y avait pas d'intervention politique décidée.
L'Ukraine, par contre, c'est autre chose,
attention, là on a vu, écouté, et appliqué des sanctions, blocus sur
les échanges avec la Russie. Impressionnant, cette vigueur soudaine.
Les Palestiniens n'en peuvent plus
Sur la question d'aujourd'hui, les
explosions multiples de révoltes en Cisjordanie échappant à tout
contrôle palestinien et non commandées par des groupes politiques, il
faut le souligner, traduisent que les limites du supportable sont
atteintes pour de nombreux Palestiniens, dans la jeunesse en
particulier.
Ils n'en peuvent tout simplement plus de
l'oppression quotidienne de l'occupation, de la violence quotidienne
exercée par l'armée et les colons contre eux, sans limites ni sanctions
du gouvernement israélien lui même, ou de l'étranger.
Ils n'en peuvent plus des fausses
négociations qui ont duré plus de 20 ans, et n'étaient qu'un leurre
destiné à poursuivre en toute tranquillité la colonisation.
Ils n'en peuvent plus de l'Autorité
palestinienne qui n'a aucune autorité sur personne sauf éventuellement
sur eux-mêmes pour les contraindre, et qui ne justifie son existence que
pour son existence.
Ils n'en peuvent plus de l'inertie
criminelle des puissances qui auraient du intervenir pour les protéger
depuis des dizaines d'années et qui laissent faire, en Ponce Pilate ravi
de l'aubaine.
Le "cycle de la violence" est israélien
À la violence de la conquête, de
l'occupation, de la colonisation, Israël ajoute toujours plus de
violence, outil colonial majeur (et classique) de la pacification des
les territoires conquis.
Le "cycle de la violence" est israélien du
début jusqu'à la fin. C'est la violence initiale qui engendre la
résistance, armée ou non, du peuple palestinien depuis les pierres de la
première Intifada, aux brigades armées des différents groupes
politiques palestiniens de la seconde.
Arrêter le cycle de la violence, c'est
arrêter Israël. Qu'on ne demande pas comment, tous les outils sont là,
seule manque la volonté politique, ce qui explique le silence de nos
médias.
Alors no comment dans nos médias,
pourquoi ? Pour que la violence israélienne puisse continuer de
s'exercer, et que les "terroristes" de 13 et 15 ans soient punis et tués
aux checks points de Qalandia ou de Shouafat. Pour que les frappes
continuent sur Gaza et que l'auditeur se taise parce qu'il n'y comprend
rien.
Une spirale sans issue
Le seul hic, c'est que la violence débridée
finit toujours par se retourner contre soi, et l'on a depuis des années
à présent des exemples multiples de la violence grandissante de la
société israélienne.
Cette violence s'exerce à l'égard des
femmes, des juifs orientaux, des juifs éthiopiens, des gays, des
travailleurs étrangers, et bien évidemment des Palestiniens citoyens
d'Israël, qui sont les premiers visés, des milliers de Bédouins expulsés
du Néguev. Ces derniers jours ont également vu l'emprisonnement d'une
cinquantaine de jeunes manifestants en Israël.
La fameuse idée de la démocratie
israélienne est entrain de s'évaporer, et le roi est nu pour l'enfant
qui sait regarder. Et le fameux cycle de la violence enferme de fait
Israël dans une spirale sans issue.
Cette violence détruit nos droits
À la violence de la loi du plus fort, seul
peut s'opposer le droit régulateur. Laisser exercer cette violence,
c'est détruire le droit, nos droits à tous.
Nous y sommes, et nous bénéficions des
médias de ce système. Ceux-là même qui, pour nous informer sur la
destruction du droit du travail, nous montrent l'épaisseur du code du
travail et limitent leur analyse lapidaire à : "illisible, doit être
simplifié".
Comme ils montrent et remontrent les images
d'Air France afin de nous convaincre que la violence est le fait des
syndicalistes et des employés révoltés.
Sur la Palestine, ils se contentent
d'énumérer morts et blessés, car au fond, comme sur le reste, nous
n'avons rien à en savoir de plus.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire