L’ACAT (Action des Chrétiens pour
l’Abolition de la Torture) rompt le
silence qui entoure les violences
policières en France. Son
dernier rapport (sorti avant les
récentes manifestations contre la loi
travail) montre une nette progression du
nombre de tués par les forces de l’ordre
à partir de 2012.
D’environ 8 décès
annuels en 2004-2011, on passe
brutalement à 19 en 2012, 10 en 2013 et
14 en 2014. La gauche, toujours prompte
à dénoncer les violences policières
quand elle est dans l’opposition, n’a
aucun scrupule pour en faire usage quand
elle gouverne. Si l’alternance n’a en
rien fait diminuer le niveau des
violences policières, bien au contraire,
elle en a fait changer le contexte.
Souvent commises dans le cadre de gardes
à vue il y a une dizaine d’années,
elles s’exercent aujourd’hui
majoritairement lors d’opérations de
contrôle de l’espace public, comme les
manifestations, les opérations de
sécurité dans des quartiers jugés
sensibles ou dans les Zones à Défendre
(Notre-Dame-des-Landes ou Sivens). La
répression policière qui a touché les
récentes manifestations contre la loi
travail, inédite par sa brutalité, en
est un parfait exemple.
Les violences policières en France
sont à la fois
ignorées (il n’existe aucune
statistique officielle des personnes
blessées ou tuées lors d’opérations de
police ou de gendarmerie) et
impunies (celles-ci ne font
quasiment jamais l’objet de sanctions).
Le rapport de l’ACAT sort ainsi à
point nommé à l’heure où de nombreux
manifestants tombent sous les coups des
forces de l’ordre.
Selon le rapport, la victime-type des
violences policières et jeune (les
trois-quarts ont moins de 35 ans et 1
sur 6 est mineur), masculin et issu de
l’immigration (notamment dans le cadre
d’interpellations lors des contrôles
d’identité). Démonstration parfaite avec
la répression impitoyable qui s’est
abattue sur les manifestants contre la
loi travail notamment le 17 mars à
Tolbiac ou les CRS sont allés tabasser
les manifestants jusque dans les
amphithéâtres. Le lieu était, il est
vrai, éminemment symbolique –
Valls y a scellé son destin
d’apparatchik socialiste. Violence
inédite selon des témoins et un
journaliste de Libération
qui relate des scènes de carnage :
« il y avait des visages en sang, des
gens traînés par terre, lors des charges
policières contre les étudiants. Les
gens qui voulaient sortir du site
devaient le faire à visage découvert et
étaient filmés par la police. » Au Lycée
Bergson, la police
s’est acharnée sur un étudiant noir,
au total mépris de la campagne lancée
par le PS « tous
unis contre la haine. » Pour la
FCPE, ces violences policières
injustifiées
rapportées par les médias
ne sont pas des cas isolés.
Pourquoi cette montée de la violence
policière lors des manifestations ? En
cause, selon l’ACAT, un récent
changement de doctrine de maintien de
l’ordre. On est passé en quelques
années d’une gestion de mise à distance
des manifestants (éviter de tuer et le
plus possible de blesser) à une
politique d’affrontement direct : là où
les forces de l’ordre tentaient de
repousser les manifestants, elles visent
et attaquent désormais la foule avec des
armes à « létalité réduite » comme le
flashball. Il s’agit désormais de
traiter les manifestants comme des
ennemis de l’intérieur et de leur
appliquer les
méthodes de répression contre-insurectionnelle
utilisée à l’origine contre la
résistance algérienne.
On peut s’attendre à une augmentation
des violences policières au cours des
prochaines années, à l’heure où le
gouvernement socialiste s’apprête à
armer plus lourdement les forces de
l’ordre suite aux attentats de Paris :
outre des fusils d’assaut réservés aux
agents de la BAC, des armes
intermédiaires comme le Taser ou le
flashball dont la dangerosité avérée a
pourtant fait l’objet d’un
récent rapport. Supposées
non-létales, elles occasionnent en
réalité de nombreux décès ou infirmités
et ça ne devrait sans doute pas
s’arranger avec la nouvelle
réglementation française qui étend les
zones corporelles et n’impose plus de
distance minimale de tir, à rebours des
recommandations formulées par le
Défenseur des Droits. L’assouplissement
des conditions dans lesquelles les
policiers pourront faire usage de leur
arme à feu (limité pour l’heure au cas
de légitime défense)
prévu par l’article 20 du projet de
loi sur la réforme de la procédure
pénale, devrait aussi entraîner une
hausse des bavures.
C’est dans ces moments de crise
sociale où sa légitimité est mise à mal
que le Parti Socialiste montre sa vraie
nature aux antipodes des engagements de
campagne du candidat Hollande : une
force politique totalement acquise aux
intérêts de l’oligarchie qui n’hésite
pas à faire usage de la répression la
plus brutale contre tous ceux qui
tentent de résister aux diktats des
puissances financières.
Publié le 1er avril
2016 avec l'aimable autorisation de l'auteur
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