mardi 12 avril 2016

Que pensent les Palestiniens de l’agressivité hystérique d’Israël contre la campagne BDS ?

Haidar Eid

Dans leurs campagnes enragées contre le mouvement BDS, les dirigeants israéliens, de la droite à l’extrême-droite, ont clairement montré qu’il ne fallait pas prendre à la légère leur volonté d’en finir avec le mouvement avant qu’il ne réalise ses objectifs, à savoir la liberté, la justice et l’égalité.

Ils ont qualifié le mouvement BDS de « menace stratégique » pour le système israélien d’occupation, de colonisation et d’apartheid mis en place par l’Establishment sioniste. À la Conférence « Stop BDS », organisée par le journal Yediot Ahronot, ministre après ministre, leader après leader, ont repris la rhétorique incendiaire que les militants du mouvement anti-apartheid d’Afrique du Sud connaissent bien.
Le ministre de l’Intérieur, Aryeh Deri, a appelé à l’expulsion des dirigeants du BDS parce que « on ne peut pas tendre l’autre joue à ceux qui nous giflent. » La menace la plus sérieuse, cependant, est venue du ministre des Renseignements, Israël Katz, qui, dans un langage volontairement ambigu, a tenté de terroriser les militants BDS palestiniens et internationaux : « Si on ne parvient pas à mettre fin au BDS, on sera obligé de recourir à des ’assassinats civiques’ ! » Puis il a expliqué ce qu’il voulait dire par là :
« Je veux parler de mettre en pleine lumière les acteurs, les gens, le système, les mécanismes, ainsi que leurs liens avec des organisations qui ont déjà basculé dans des activités militaires et terroristes. Et ces révélations permettront de mieux comprendre comment agir contre eux, comment les isoler, et aussi comment transmettre les informations à des agents du Renseignement du monde entier et à d’autres agents. Il faut prendre conscience que nous devons nous battre. Notre ennemi a beaucoup de visages ».
Cela n’a rien de nouveau, mais qu’est-ce que cela signifie pour nous, les militants du BDS qui vivons en Palestine ?
Moi-même, je vis dans Gaza assiégée. J’ai été le témoin de trois massacres épouvantables, commis par l’État d’apartheid d’Israël, j’ai failli perdre la vie plus d’une fois, j’ai perdu des amis, des collègues, des parents et des élèves qui m’étaient très chers. J’ai vécu un traumatisme sans limite et vu des horreurs indescriptibles.
On m’a empêché d’assister aux funérailles de mes parents, on m’empêche de voir ma sœur et mes neveux qui vivent à Bethléem, à une heure et demi de voiture, depuis plus de 16 ans, et, depuis 2006, je vis la plupart du temps sans eau potable et sans électricité.
J’ai vu les enfants Baker se faire tuer en plein jour sur une plage de Gaza, j’ai lu avec désespoir les noms de 66 familles qui ont été exterminées par les armes israéliennes et effacées des registres d’état civil. J’ai dû lutter pied à pied pour ne pas devenir un simple numéro dans un bulletin d’information sur CNN, BBC et Sky News !
Deux mille deux cents personnes, dont 551 enfants, n’ont pas eu cette chance en 2014 ! Ni 1200 personnes, dont 443 enfants, en 2009, ni 200 personnes en 2012 ! La machine de guerre israélienne et la conspiration internationale du silence leur ont pris la vie.
Et maintenant, on me dit que parce que je demande des comptes, de manière non-violente, à Israël - exactement ce que fait le BDS - puisque la soi-disant communauté internationale est incapable d’obliger L’État d’apartheid d’Israël à rendre des comptes pour ses crimes de guerre et ses crimes contre l’humanité, mes amis et moi, nous allons être l’objet « d’assassinats civiques » si nous ne sommes pas sages, si nous ne comportons pas comme de « bons petits indigènes », les Oncles Tom de l’État d’Israël.
Qu’avons-nous donc fait pour amener les dirigeants israéliens, la droite et l’extrême droite, au bord de la folie ?! Après tout ce que nous avons traversé de 1948 à aujourd’hui, l’État d’apartheid d’Israël s’imagine-t-il vraiment qu’ils peuvent encore nous effrayer ?
Les icônes des mouvements de lutte anti-coloniale anti-apartheid ont-elles montré des signes de faiblesse face à des menaces similaires ? Les millions de Sud-Africains, d’Afro-Américains et d’Indiens ont-ils arrêté de lutter contre l’apartheid, l’inégalité et le colonialisme à cause de ce genre de menaces ?
Bien sûr que non, et des dirigeants tels que le Mahatma Gandhi, Nelson Mandela, Steve Biko, Martin Luther King, Rosa Parks ne sont que quelques-uns de ceux dont les noms continuent de vivre aujourd’hui.
Gandhi nous a dit : « D’abord ils vous ignorent, puis ils se moquent de vous, puis ils vous combattent, puis vous l’emportez. » Et à en juger par les réalisations du mouvement BDS au cours des 10 dernières années, on peut dire que, oui, nous l’emportons. Mandela nous a rappelé que « La liberté de l’Afrique du Sud est incomplète sans la liberté des Palestiniens. » Il serait arrêté, sinon assassiné, s’il disait quelque chose comme ça en Israël aujourd’hui !
Je ne peux pas m’empêcher de penser à Steve Biko, le fondateur du Mouvement de la Conscience noire. Ses meurtriers racistes sont maintenant dans la poubelle de l’Histoire ; tout comme Ariel Sharon, Menachem Begin, Yitzhak Shamir, même Yitzhak Rabin, Moshe Dayan, et bientôt tous les ministres israéliens et les dirigeants de l’opposition qui considèrent l’appel à la liberté et à l’égalité comme une « menace existentielle ! »
La vraie tragédie de la Palestine post-Oslo n’est pas que la majorité des Palestiniens n’ont pas eu leur mot à dire sur la nouvelle « Autonomie administrative » ; c’est plutôt qu’on ne nous a jamais donné les outils nécessaires pour négocier notre nouvelle réalité. N’est-il pas évident que L’État d’apartheid d’Israël a signé les Accords d’Oslo et nous a accordé une « autonomie limitée » uniquement parce que cela coûte moins cher à Tel Aviv ?!
Notre mouvement BDS est très important car il est l’expression de notre détermination à développer notre propre expression et notre propre méthode pour nous libérer de l’occupation et établir la justice et l’égalité. Le BDS, en d’autres termes, manifeste notre désir de décoloniser et « dé-Osloïser » nos esprits pour réussir à élaborer une approche palestinienne de l’émancipation et de la libération qui n’ait rien à voir avec la mascarade fantasmagorique de « l’indépendance ».
Prétendre que la lutte pour l’égalité et la justice est antisémite, c’est comme dire que Mandela était raciste et que Gandhi était violent ! Nos choix, en tant que militants BDS, sont limités : soit nous suivons les traces de Biko, Mandela, Gandhi, Parcs, King, soit nous changeons de camp et nous prenons, comme modèles les infâmes leaders bantoustans, les Mangope et les Buthelezi de ce monde.

JPEG - 4.6 koNous avons choisi de suivre les premiers parce que c’est le seul choix qui nous conduira à une Palestine libre qui offre paix et justice à tous ses habitants.

* Haiddar Eid est écrivain et professeur de littérature postcoloniale à l’université Al-Aqsa à Gaza, après avoir enseigné dans plusieurs universités à l’étranger. Vétéran dans le mouvement des droits nationaux palestiniens, c’est un commentateur politique indépendant, auteur de nombreux articles sur la situation en Palestine.

6 avril 2016 - Vous pouvez consulter cet article à : http://mondoweiss.net/2016/04/pales...
Traduction : Info-Palestine.eu - Dominique Muselet

Info Palestine

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