dimanche 18 août 2019

Portables sur écoute : Facebook avoue


Antoine Bordas

Après s’être longtemps défendu de complot face aux accusations d’écoute des smartphones, Facebook admet aujourd’hui que des messages vocaux étaient conservés afin d’être retranscrits. La pointe de l’iceberg concernant les données privées ?

La question de l’écoute de nos téléphones est posée depuis de nombreuses années, avec les nombreuses applications demandant l’accès à nos micros et autres. Quand des publicités coïncident avec une discussion de la veille, comment ne pas douter de la bienveillance des géants du web ? Après avoir nié ces pratiques durant des années, Facebook avoue aujourd’hui une partie de la vérité.

Mensonge avoué, à moitié pardonné ?

En début de semaine, suite à une enquête du journal Bloomberg, le pôle communication de Facebook a confirmé qu’une partie de messages vocaux étaient jusqu’à présent retranscrit par une société de sous-traitance, TaskUs.
Facebook avance que cette pratique leur permet d’améliorer leur service, notamment l’intelligence artificiel traduisant les messages vocaux en texte. Mais cette révélation remet sur la table plusieurs problématiques : le transit d’informations privées par des sociétés tierces et l’usage du microphone des utilisateurs en dehors des messages vocaux. Concernant le transit de données, Bloomberg précise notamment que TaskUs, n’a pas pour seule mission l’amélioration de l’IA de Facebook, mais possède également des groupes de travail tourné vers la publicité, dont celle dédiée aux élections. Malgré ce que peut dire Facebook, les frontières paraissent rapidement floues entre les différentes activités de l’entreprise : entre publicités et améliorations des algorithmes, les données seraient vraiment séparées ?

L’ensemble des GAFA utilisent en réalité ces pratiques

Concernant cette affaire, Facebook a annoncé avoir suspendu l’activité de transcription des messages vocaux. Alors que l’entreprise s’est vu attribuée une amende record de cinq milliards de dollars par le gouvernement américain concernant sa gestion des données privées, Facebook n’avait pas d’autre choix que de temporiser lors des révélations.
De plus, il s’avère que depuis le début du mois d’août, c’est en réalité l’ensemble des GAFA (Google, Amazon, Facebook et Apple) qui ont annoncé avoir mit fin à ces pratiques. Facebook ne pouvait restait le seul géant du web à maintenir cela, alors que ces confrères ont été contraints d’arrêter. Concernant Amazon, Google et Apple, les trois entreprises pratiquaient le même type d’espionnage à travers leurs enceintes connectés, avec la même justification d’amélioration des services.

Écoute ponctuelle ou constante ?

Aujourd’hui nous connaissons donc partiellement la vérité, autour des messageries vocales et des enceintes connectés, on peut dire que les utilisateurs ‘’autorisent’’ dans une certaine mesure, l’usage de leur voix lors de la transmission de message ou lors de commande vocal aux appareils domotiques de dernière générations.
Une autre polémique est pourtant toujours en cours sur l’usage des micros de nos téléphones portables en dehors des utilisations ci-dessus. Alors que Mark Zuckerberg qualifie ces hypothèses de théories du complot, de plus en plus de doute s’accumule sur la question. Les experts affirment que de fait, cela est techniquement possible, les applications étant systématiquement en alerte pour capter une éventuelle interaction avec l’utilisateur. Reste à savoir si Facebook et consort utilisent réellement tout ce qui se dit autour des téléphones.
Plusieurs tests ont déjà montré qu’émettre une envie d’achat, de voyages ou d’autres actes de consommation à côté de son smartphone se transforme en proposition publicitaire même si l’utilisateur n’a jamais fait de recherche à ce sujet. Ce qui va dans le sens d’une écoute permanente. Certaines personnes proposent l’hypothèse de mots déclencheur, qui lancerait l’enregistrement et transmettrait cela à des IA qui traiteraient les données afin de proposer des publicités ciblées. Ce qui ne serait évidemment pas étonnant si l’on prend en compte la volonté des géants du web de réunir le plus de données possibles concernant les utilisateurs, le marché de la vente de données étant en perpétuelle évolution.

D’une meilleure publicité à une meilleure répression

Outres les dimensions éthiques liés à la récupération de données à des fins publicitaires, l’opacité de la gestion des données et de l’accès aux fonctionnalités de nos appareils multimédias en générales posent d’autres questions, notamment celles de surveillance et de la répression politiques sur les réseaux sociaux.
En France, la dernière séquence politique marquée par la mobilisation des Gilets Jaunes en a montré un exemple flagrant et on ne compte plus le nombre d’interpellations voire d’inculpations liées à des posts sur les réseaux sociaux. Par exemple, à Narbonne, en janvier Hedi M., Gilet Jaune, était condamné à 6 mois fermes pour avoir relayé à un appel au blocage d’un dépôt pétrolier. A Montauban, 4 mois de sursis ont été prononcés pour un Gilet jaune ayant fait un post insultant le préfet pour ne prendre que quelques cas.
Ces condamnations résultent d’une ‘simple’ consultation des profils facebook de manifestants, mais le gouvernement français a d’ores déjà passé un accord avec Facebook afin de récupérer les adresses IP des utilisateurs postant des contenus jugés « haineux » sur le réseau social.
Alors que le mouvement des Gilets Jaunes a notamment pris naissance sur Facebook, les réseaux sociaux deviennent une nouvelle cible pour les gouvernements. Afin de préparer leur arsenal répressif en vue des prochaines mobilisations sociales, tout les moyens sont bons, et Emmanuel Macron a déjà émis à plusieurs reprises durant le Grand Débat une potentielle « fin de l’anonymat sur internet » allant dans ce sens.
La collaboration entre les gouvernements et les géants du web étant déjà engagée, il n’est pas fou de s’imaginer qu’à ce rythme nos conversations à quelques mètres de nos portables pourraient être transmissent à des fins répressives.

Des pratiques d’écoute déjà mise en place par les services de renseignements gouvernementaux, qui pourraient facilement être renforcé par la grande expertise de Facebook et consort dans ce domaine !

Révolution Permanente

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