Antoine Bordas
Après s’être longtemps défendu de complot face aux accusations d’écoute
des smartphones, Facebook admet aujourd’hui que des messages vocaux
étaient conservés afin d’être retranscrits. La pointe de l’iceberg
concernant les données privées ?
La question de l’écoute de nos téléphones est posée depuis de
nombreuses années, avec les nombreuses applications demandant l’accès à
nos micros et autres. Quand des publicités coïncident avec une
discussion de la veille, comment ne pas douter de la bienveillance des
géants du web ? Après avoir nié ces pratiques durant des années,
Facebook avoue aujourd’hui une partie de la vérité.
Mensonge avoué, à moitié pardonné ?
En début de semaine, suite à une enquête du journal Bloomberg,
le pôle communication de Facebook a confirmé qu’une partie de messages
vocaux étaient jusqu’à présent retranscrit par une société de
sous-traitance, TaskUs.
Facebook avance que cette pratique leur permet d’améliorer leur
service, notamment l’intelligence artificiel traduisant les messages
vocaux en texte. Mais cette révélation remet sur la table plusieurs
problématiques : le transit d’informations privées par des sociétés
tierces et l’usage du microphone des utilisateurs en dehors des messages
vocaux. Concernant le transit de données, Bloomberg précise
notamment que TaskUs, n’a pas pour seule mission l’amélioration de l’IA
de Facebook, mais possède également des groupes de travail tourné vers
la publicité, dont celle dédiée aux élections. Malgré ce que peut dire
Facebook, les frontières paraissent rapidement floues entre les
différentes activités de l’entreprise : entre publicités et
améliorations des algorithmes, les données seraient vraiment séparées ?
L’ensemble des GAFA utilisent en réalité ces pratiques
Concernant cette affaire, Facebook a annoncé avoir suspendu
l’activité de transcription des messages vocaux. Alors que l’entreprise
s’est vu attribuée une amende record de cinq milliards de dollars par le
gouvernement américain concernant sa gestion des données privées,
Facebook n’avait pas d’autre choix que de temporiser lors des
révélations.
De plus, il s’avère que depuis le début du mois d’août, c’est en
réalité l’ensemble des GAFA (Google, Amazon, Facebook et Apple) qui ont
annoncé avoir mit fin à ces pratiques. Facebook ne pouvait restait le
seul géant du web à maintenir cela, alors que ces confrères ont été
contraints d’arrêter. Concernant Amazon, Google et Apple, les trois
entreprises pratiquaient le même type d’espionnage à travers leurs
enceintes connectés, avec la même justification d’amélioration des
services.
Écoute ponctuelle ou constante ?
Aujourd’hui nous connaissons donc partiellement la vérité, autour des
messageries vocales et des enceintes connectés, on peut dire que les
utilisateurs ‘’autorisent’’ dans une certaine mesure, l’usage de leur
voix lors de la transmission de message ou lors de commande vocal aux
appareils domotiques de dernière générations.
Une autre polémique est pourtant toujours en cours sur l’usage des
micros de nos téléphones portables en dehors des utilisations ci-dessus.
Alors que Mark Zuckerberg qualifie ces hypothèses de théories du
complot, de plus en plus de doute s’accumule sur la question. Les
experts affirment que de fait, cela est techniquement possible, les
applications étant systématiquement en alerte pour capter une éventuelle
interaction avec l’utilisateur. Reste à savoir si Facebook et consort
utilisent réellement tout ce qui se dit autour des téléphones.
Plusieurs tests ont déjà montré qu’émettre une envie d’achat, de
voyages ou d’autres actes de consommation à côté de son smartphone se
transforme en proposition publicitaire même si l’utilisateur n’a jamais
fait de recherche à ce sujet. Ce qui va dans le sens d’une écoute
permanente. Certaines personnes proposent l’hypothèse de mots
déclencheur, qui lancerait l’enregistrement et transmettrait cela à des
IA qui traiteraient les données afin de proposer des publicités ciblées. Ce
qui ne serait évidemment pas étonnant si l’on prend en compte la
volonté des géants du web de réunir le plus de données possibles
concernant les utilisateurs, le marché de la vente de données étant en
perpétuelle évolution.
D’une meilleure publicité à une meilleure répression
Outres les dimensions éthiques liés à la récupération de données à
des fins publicitaires, l’opacité de la gestion des données et de
l’accès aux fonctionnalités de nos appareils multimédias en générales
posent d’autres questions, notamment celles de surveillance et de la
répression politiques sur les réseaux sociaux.
En France, la dernière séquence politique marquée par la
mobilisation des Gilets Jaunes en a montré un exemple flagrant et on ne
compte plus le nombre d’interpellations voire d’inculpations liées à des
posts sur les réseaux sociaux. Par exemple, à Narbonne, en janvier Hedi
M., Gilet Jaune, était condamné à 6 mois fermes pour avoir relayé à un
appel au blocage d’un dépôt pétrolier. A Montauban, 4 mois de sursis ont
été prononcés pour un Gilet jaune ayant fait un post insultant le
préfet pour ne prendre que quelques cas.
Ces condamnations résultent d’une ‘simple’ consultation des profils
facebook de manifestants, mais le gouvernement français a d’ores déjà
passé un
accord avec Facebook afin de récupérer les adresses IP des utilisateurs
postant des contenus jugés « haineux » sur le réseau social.
Alors que le mouvement des Gilets Jaunes a notamment pris naissance
sur Facebook, les réseaux sociaux deviennent une nouvelle cible pour les
gouvernements. Afin de préparer leur arsenal répressif en vue des
prochaines mobilisations sociales, tout les moyens sont bons, et Emmanuel Macron a déjà émis à plusieurs reprises durant le Grand Débat une potentielle « fin de l’anonymat sur internet » allant dans ce sens.
La collaboration entre les gouvernements et les géants du web étant
déjà engagée, il n’est pas fou de s’imaginer qu’à ce rythme nos
conversations à quelques mètres de nos portables pourraient être
transmissent à des fins répressives.
Des pratiques d’écoute déjà mise en place par les services de renseignements gouvernementaux, qui pourraient facilement être renforcé par la grande expertise de Facebook et consort dans ce domaine !
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