NPA
Maurice Rajsfus est décédé le samedi 13 juin.
Tout un symbole pour
celui qui a inlassablement lutté contre les violences policières,
puisque le même jour un immense rassemblement se tenait à Paris, à
l’appel du Comité Vérité et justice pour Adama Traoré.
Maurice Plocki,
dit Maurice Rajsfus, infatigable militant, arrêté avec ses parents lors
de la rafle du Vél’ d’Hiv le 16 juillet 1942, fut un compagnon de toutes
celles et ceux qui ont lutté contre les oppressions, contre la
répression, contre les fascistes en rangers ou en costard, connu pour sa
gentillesse, sa disponibilité et sa pugnacité. Pendant plusieurs
décennies, il a méticuleusement recensé et classé, sur des milliers de
fiches Bristol, les cas de violences policières, jouant un rôle
d’éclaireur dans un combat qui connaît aujourd’hui une ampleur sans
précédent. Maurice fut également un compagnon de route de la LCR et du
NPA, présent sur nos listes aux élections européennes de 2014, mais
conservant évidemment toute son autonomie.
Pour lui rendre hommage, nous
publions un texte de notre camarade Gérard Delteil, ainsi que des
extraits d’une interview que nous avions réalisée pour l’Anticapitaliste
hebdo n°440 (27 juillet 2018).
Ma vie militante a commencé très tôt, puisque mes parents nous
avaient envoyés, avec ma sœur, dans une colonie de vacances issue du
Secours rouge à l’île de Ré en 1937 et 1938. Nous avions alors le
sentiment d’être de futurs grands révolutionnaires.
En fait je suis militant depuis la Libération de Paris à la fin du
mois d’août 1944. À l’époque, je croyais participer à la révolution en
adhérant au PCF et aux Jeunesses communistes. Mais deux ans plus tard
j’en étais violemment exclu, sous l’accusation de « provocateur
policier ». J’avais 18 ans. En octobre 1946, je rejoins la Quatrième
internationale.
Après quelques années d’errance, je reprends goût à la lutte contre
la guerre d’Algérie. Je participe en septembre 1955 à la constitution du
comité des mouvements de jeunesse de Paris contre le départ du
contingent en Algérie. Mouvement fortement réprimé par la police. Et le
8 février 1962, je me trouve au sein de la manifestation à quelques
centaines de mètres du métro Charonne.
« L’Enragé de Fontenay-aux-Roses »
Un temps éloigné du militantisme, j’avais changé d’âme et commençais à
me construire cet indispensable passé professionnel. J’étais devenu
journaliste. Un peu éloigné de la lutte, lorsque éclate Mai 1968, je
viens d’avoir 40 ans et, du jour au lendemain, je rajeunis de 20 ans, et
j’apprends à ne plus me sauver face aux charges policières.
Dans la deuxième quinzaine de mai 1968, je participe à la création du
Comité d’action de Fontenay-aux-Roses où je demeure alors. Tout n’est
pas simple, et au côté des camarades trotskistes ou guévaristes il est
difficile de s’imposer face aux maoïstes de l’École normale supérieure
de Fontenay.
Avec ce mois de mai 1968 recommence une aventure militante qui n’a jamais cessé depuis.
C’est la création à Fontenay d’un petit journal réalisé à la ronéo : L’Enragé de Fontenay-aux-Roses. Il y aura un vingtaine de numéros, jusqu’en octobre 1969, date à laquelle la cohabitation avec les maos est devenue insupportable.
Avec ce mois de mai 1968 recommence une aventure militante qui n’a jamais cessé depuis.
C’est la création à Fontenay d’un petit journal réalisé à la ronéo : L’Enragé de Fontenay-aux-Roses. Il y aura un vingtaine de numéros, jusqu’en octobre 1969, date à laquelle la cohabitation avec les maos est devenue insupportable.
« Que fait la police ? »
En novembre 1969, j’entreprends la publication d’un nouveau bulletin
mensuel, Action banlieue sud, qui paraîtra régulièrement jusqu’en
décembre 1975. Parallèlement sera constitué le Groupe d’études
socialistes, qui se consacrera à l’histoire du mouvement ouvrier tout au
long des années 1970 et 1971.
Comme la répression de mai 1968 avait laissé des traces, j’ai
rapidement entrepris de constituer une documentation sur les violences
policières, sur la base de la presse. Travail prenant qui devait me
permettre de constituer un fichier fort de plus de 10 000 fiches
rappelant environ 5 000 bavures. Ce travail sera à l’origine de la
création de l’Observatoire des libertés publiques en mai 1994, après
l’assassinat du jeune Makomé au commissariat des Grandes-Carrières. Il y
a aura la publication de plus de 200 numéros du bulletin Que fait la
police ? jusqu’en 2014.
En mai 1990, je participe à la création du réseau Ras l’front qui,
après des débuts difficiles, connaîtra une rapide croissance, en
compagnie de militantEs qui avaient réussi à troubler la manifestation
du Front national sur la place de l’Opéra le 1er mai 1995. Un peu plus
tard, je deviendrai le président de Ras l’front pour quelques années.
Ne pouvant me contenter de cette activité débridée, à l’orée de ma
retraite, je commence à publier un certain nombre d’ouvrages lourds de
sens dès 1980. Sur les quelques 60 livres publiés jusqu’à aujourd’hui,
une vingtaine sont consacrés à la police, et plus généralement à la
répression sous toute ses formes.
Je pense n’avoir pas trop déçu ceux avec qui j’ai milité. Mais à
l’âge de 90 ans mes genoux commencent à me faire souffrir et ma hanche
gauche en fer blanc m’empêche de courir aussi vite que je devrais...
... non
pas pour me sauver lorsque ça devient nécessaire, mais pour faire la
chasse aux nouveaux fachos qui menacent nos libertés fondamentales.
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