Joël Malo
Les macronistes font preuve d’une imagination sans borne pour contrer la proposition de loi visant à abroger la réforme des retraites. Le gouvernement craint qu’un vote favorable ne relance la crise politique.
Les macronistes font preuve d’une imagination
sans borne pour empêcher le vote de la proposition de loi du groupe LIOT
qui vise à abroger la réforme des retraites. Certes, le texte n’a aucune chance d’aller au bout des procédures parlementaires,
mais la macronie craint le camouflet que constituerait un vote contre
la réforme à l’Assemblée, brisant le récit d’une loi adoptée au
Parlement qu’elle essaye d’entretenir.
Un trésor d’imagination anti-démocratique
Pour éviter ce scénario, le gouvernement cherche des combines dans les tréfonds des règlements de l’Assemblée, comme le révèle Mediapart ce mardi. La piste privilégiée reste celle de l’article 40 de la Constitution, qui avance que « les
propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne
sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit
une diminution des ressources publiques, soit la création ou
l’aggravation d’une charge publique ».
Problème, une fois la loi arrivée en commission, ce peut être ou le
président (Eric Coquerel de la France Insoumise) la commission de
finances qui déclenche cet article, ou le rapporteur général (Jean-René
Cazeneuve, Renaissance), laissant l’espace à un conflit de légitimité
concernant la prise d’initiative des deux hommes.
Au prétexte de ce conflit, Yaël Braun-Pivet, présidente de
l’Assemblée Nationale, pourrait convoquer le Bureau de l’Assemblée
Nationale, dominé par la droite macroniste, pour trancher et retoquer la
loi. Pour le moment, Yaël Braun-Pivet se refuse à cette manœuvre.
Les plus gros cerveaux de la minorité présidentielle ont donc imaginé un
autre plan. En commission de finances, les macronistes et les LR
pourraient amender la loi, en supprimant l’article 1, qui propose
l’abrogation de la réforme des retraites. Les partisans de cette loi
seraient alors amenés à reproposer cet article, comme un amendement,
lors de la discussion dans l’Hémicycle. À cette occasion, la Présidente
de l’Assemblée pourrait alors dégainer l’article 40. « Elle n’avait pas vraiment le choix, s’exclame un macroniste influent auprès de Mediapart. Elle s’est retrouvée au pied du mur et si elle disait non, c’est comme si elle quittait la majorité. » Dans
ce scénario, c’est cependant Yaël Braun-Pivet qui serait amenée à
procéder au coup anti-démocratique d’où ses hésitations.
Mais, avec le passe-passe de l’article 1 supprimé en commission, le
gouvernement pourrait tout aussi bien choisir d’utiliser l’article 44 de
la Constitution, dit du « vote bloqué ». Dans ce cas, le texte se vote
d’un bloc, avec les seuls amendements retenus par le gouvernement. Il
resterait également la bonne vieille solution de l’obstruction, le
groupe LIOT ne disposant que d’une journée pour sa « niche
parlementaire ». Ainsi, si à minuit la proposition de loi n’est pas
adoptée, elle sera rejetée.
Ce n’est pas à l’Assemblée qu’on pourra faire reculer Macron
Le gouvernement fait preuve d’une détermination sans faille pour s’en prendre à nos conditions de vie et de travail, et la Vème République lui offre des outils extrêmement variés pour passer en force. La moindre brèche est exploitée pour arriver à ses fins. Face à ça, l’intersyndicale ne nous propose plus comme perspective que de manifester une dernière fois le 6 juin pour appuyer symboliquement cette proposition de loi qui n’a aucune chance de parvenir à ses fins.
Sauf que Macron et le patronat, eux, ne se contentent pas de
symboles et tapent dur. Pour gagner, il faut rompre avec la stratégie
portée par l’intersyndicale qui consiste à défiler pour interpeller les
députés, les sénateurs, le gouvernement, ou on ne sait qui encore. Pour
faire plier le gouvernement, il faut les contraindre, il faut une grève
dure, reconductible de l’ensemble des travailleurs de ce pays. Pourtant,
alors que Macron décrétait les 100 jours d’apaisement, l’intersyndicale
appelait à un mois de pause, sans utiliser évidemment ce temps
pour préparer une reprise de la lutte.
Mais la colère ressurgit dans de nombreuses entreprises, avec une véritable vague de grèves sur les salaires,
dont Vertbaudet est peut-être l’emblème. La lutte, depuis plus de deux
mois de ces ouvrières, et l’ensemble des grèves pour des augmentations
de salaire, sont des brèches pour construire un mouvement d’ensemble
contre Macron, seul moyen pour le faire reculer.
Car, face aux travailleurs en lutte, ce n’est pas avec le règlement du Parlement que Macron pourra s’en sortir.

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