samedi 18 mai 2024

Interdiction de TikTok en Kanaky : une censure grave pour empêcher la mobilisation

Benoit Barnett

Après plusieurs jours de mobilisations réprimées par l’Etat français, le haut-commissaire de l’île a annoncé l’interdiction du réseau social TikTok. Pour briser la lutte du peuple kanak pour l’auto-détermination, l’Etat est prêt à tout.

Mercredi, après deux jours de mobilisation et de révoltes contre le dégel du corps électoral en Kanaky, le haut-commissaire de Nouvelle-Calédonie, Louis Le Franc a annoncé avoir interdit TikTok sur l’île, le réseau social étant particulièrement utilisé par les jeunes qui se sont mobilisés ces derniers jours.

Cette mesure a été suivie de l’instauration de l’état d’urgence et d’un couvre-feu sur l’île. Mécanisme colonial s’il en est, utilisé lors de la guerre coloniale algérienne, pour réprimer les luttes indépendantistes kanaks en 1985, contre les émeutes à Tahiti en 1987 ou bien, pour réprimer la jeunesse des descendants de colonisés dans les quartiers populaires de la métropole en 2005, il permet au ministre de l’Intérieur d’interdire les manifestations ou tout événement politique, prononcer des assignations à domicile et des perquisitions administratives.

Gabriel Attal et Louis Le Franc n’ont pas pris la peine de justifier publiquement cette censure extraordinaire. Mais l’Etat d’urgence autorise également l’interdiction de sites internet « prônant des actes terroristes ou en faisant l’apologie », montrant avec quelle intensité l’Etat s’apprête à réprimer les mobilisations indépendantistes kanak.

Jeudi, interrogé par Numerama, le cabinet de Gabriel Attal a rejoué la carte de l’ingérence étrangère. L’interdiction de TikTok serait donc lié à « des ingérences et de la manipulation dont fait l’objet la plate-forme, dont la maison mère est chinoise. L’application est utilisée en tant que support de diffusion de désinformation sur les réseaux sociaux, alimenté par des pays étrangers, et relayé par les émeutiers ».

D’abord d’origine azérie, l’ingérence à l’origine de l’explosion sociale et politique sur l’île serait donc désormais chinoise. Des prétextes bien pratiques pour faire oublier l’ingérence d’Emmanuel Macron afin de faire avancer la cause des partis loyalistes et de remettre en cause le droit à l’auto-détermination et à la décolonisation des populations kanak.

Cette censure inédite en France, à l’heure où le congrès Américain évoque l’interdiction du réseau social, rappelle les enjeux géo-stratégiques de la présence française en Kanaky. Il s’agit d’une position décisive dans l’Océan Pacifique, zone que les impérialistes militarisent à toute allure pour préparer leur confrontation future face à la Chine.

Mais la censure des réseaux sociaux vient aussi de l’expérience de répression de la révolte des quartiers populaires de l’été 2023, suite à l’assassinat de Nahel. Emmanuel Macron avait alors appelé à une réflexion « sur les réseaux sociaux, sur les interdictions qu’on doit mettre. Et quand les choses s’emballent, il faut peut-être se mettre en situation de les réguler ou de les couper. »

Alors que la Macronie ne s’embarrasse d’aucun complexe pour ceux qui critiquent sa politique d’alliés de l’Iran, de la Chine ou de la Russie, elle rappelle de manière salutaire que les méthodes de l’impérialisme français, particulièrement en contexte colonial, n’ont rien à envier à ces dictatures.

Le contrôle de l’information qu’accompagne l’interdiction de TikTok fait partie de l’abattage médiatique pour ne rendre visible que le discours du gouvernement ou les témoignages de miliciens caldoches sur la situation en Kanaky. De plus, à l’heure où les effectifs des forces de répression sont doublés, interdire TikTok veut aussi dire empêcher tout regard extérieur sur la répression coloniale de la police et de l’armée française sur place. À 17.000 kilomètres de là, l’opinion de la métropole doit être bien gardée par des médias aux ordres du pouvoir.

Contre l’état d’urgence en Kanaky, le bâillon médiatique et la répression, il faut faire front pour l’auto-détermination du peuple kanak !


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