vendredi 24 mai 2024

L'Internationale noire à Madrid

Antoine Manessis

C'est à Madrid qu'ils se sont retrouvés.

Le parti néo-franquiste Vox, dont le caudillo est Santiago Abascal, a lancé sa campagne dimanche 19 mai. En présence de Marine Le Pen, cheffe néo-pétainiste du RN,  du président néo-fasciste argentin Javier Milei, du finaliste des présidentielles chiliennes José-Antonio Kast, un néo-pinochetiste, Giorgia Meloni, la néo-mussolinienne présidente du conseil d'Italie, Victor Orban, le premier ministre néo-hortyste de Hongrie, l’ancien premier ministre  néo-pilsudskiste de Pologne Mateusz Morawiecki et André Ventura, le président du parti néo-salazariste portugais Chega et d'autres membres d'Internationale noire comme des représentants de Donald Trump.

"Nous défendons tous notre souveraineté nationale, mais nous savons aussi que nous ne pouvons pas le faire seuls. Face au mondialisme et à son âme socialiste, nous devons répondre par une alliance mondiale" a résumé Abascal. Bref, un délire fasciste traditionnel. Insistants sur les points de convergence entre les différents partis néo-fascistes, les responsables présents à Madrid ont multiplié les attaques contre les "élites" européennes et surtout l'immigration, thème qui a occupé la majeure partie du discours de Marine Le Pen. "Des zones entières de mon pays, la France, sont livrées à la submersion migratoire et échappent aujourd'hui à l'autorité de l'État" a-t-elle déclaré. L'anti-sémitisme traditionnel des fascistes est désormais remplacé par l'islamophobie et la xénophobie.

Javier Milei, a vilipendé le "socialisme", comparé à une forme de "cancer". La reprise à peine remise au goût du jour des discours fascistes de l'entre-deux-guerres. 

Ces partis tentent d'organiser la dynamique dont ils se savent porteurs. D'autant qu'ils sont divisés y compris sur des sujets importants. Ils tentent de se coordonner à propos de la composition des futurs groupes au Parlement européen. L'extrême-droite étant actuellement divisée.

Le RN est actuellement membre du groupe Identité et Démocratie (ID), aux côtés notamment de l'AfD allemande, absente dimanche à Madrid. Vox  de Abascal et le parti Fratelli d'Italia de Giorgia Meloni, appartiennent, eux, au groupe des Conservateurs et Réformistes européens (CRE). 

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, n'écarte pas la possibilité d'alliances avec les néo-fascistes des CRE, tout en excluant toute coopération avec ID, dont les membres sont considérés comme trop proches de la Russie dans le conflit ukrainien. Von de Leyen veut bien des néo-fascistes mais Otanisés, des "partenaires" pro-Ukraine et pro-UE "comme Meloni". Rassurons la, ce n'est pas de ce côté que viendra une contestation de la politique belliciste de l'Otan. 

"C'est une question de principe. Le fait d'avoir abandonné l'idée d'un cordon sanitaire est une énorme responsabilité", a réagi Walter Baier du Parti communiste d'Autriche, tête de liste européenne de La Gauche (GUE). Il a ajouté "le pacte migratoire adopté par le Parlement européen et le Conseil européen, n'est rien d'autre qu'une légitimation de ce que dit l'extrême droite, et c'est une erreur. C'est une erreur stratégique. C'est une erreur morale." En Autriche, le Parti néo-fasciste FPÖ est crédité de 28 % des voix. "C'est un parti corrompu, c'est un parti néo-fasciste, mais il est traité comme s'il était un parti normal, et c'est fondamentalement faux", dénonce Walter Baier, "ce ne sont pas des partis normaux".

Von der Leyen sera rassurée en écoutant les leaders néo-fascistes qui ont voulu, à Madrid, marquer leur alignement en faveur d’une orientation néo-libérale et atlantiste.

En plus des discours violemment anti-gauche de Vox, du RN et des autres dénonçant "la cancel culture, la gauche criminelle, l’immigration illégale, le suprémacisme féministe, le totalitarisme woke", Milei a renoué aussi avec l'élégance de la bête en attaquant l'épouse du premier ministre socialiste espagnol ce qui a provoqué un incident diplomatique entre Buenos-Aires et Madrid qui a rappelé son ambassadrice en Argentine.

Pour ceux qui n'ont pas compris que la victoire des néo-fascistes serait un saut qualitatif par rapport aux formes, même autoritaires, de la domination du capital, il suffit de regarder et d'écouter ce qui s'est passé à Madrid dimanche dernier. Il faut le comprendre et en tirer toutes les conséquences : nous aurions à faire au fascisme du XXIe siècle.

Et, faut-il vraiment le dire, ce n'est pas un Glucksmann qui fera face à la marée brune, il faut un autre niveau politique et une autre trempe militant-e.

Antoine Manessis

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