mardi 21 mai 2024

Lutte pour les salaires à Capgemini : une grève qui envoie un signal à l’ensemble du secteur

Augustin Tagèl

Après une AG le 13 mai, des salariés du géant du service informatique Capgemini étaient en grève ce jeudi 16. Inhabituelle dans le secteur, cette journée de grève nationale pour des augmentations générales de salaires annuelles de 2800 euros brut envoie un signal à l’ensemble du secteur.

Chez Capgemini, entreprise leader du service numérique en France, les résultats des négociation annuelles obligatoires (NAO) ont provoqué la colère des salariés : « la seule chose que la direction avait lâché c’était 45 centimes d’augmentation sur les tickets restaurant, une mauvaise blague », explique Laurence Mequecin, secrétaire générale CGT déléguée syndicale de l’unité économique et sociale de Capgemini. La CGT a donc lancé un sondage sur la situation, récoltant un grand nombre de réponses : « c’était très significatif, avec plus de 1500 réponses, alors que les sondages en recueillent habituellement 500 », détaille la syndicaliste.

Suite à ce processus, le syndicat a créé des serveurs de discussion sur Discord (un logiciel de salons vocaux et de messageries) pour permettre à tous les salariés volontaires de venir discuter en Assemblée générale. « C’est particulier comme secteur et ça peut surprendre de se réunir ainsi virtuellement, mais il faut bien se dire que c’est une entreprise à la pointe dans la fragmentation des rapports entre travailleurs, c’est beaucoup de télétravail, et des bureaux en Flex office, où personne n’a de poste de travail stable. C’est d’autant plus important de remettre de la discussion entre les salariés, et le serveur marche bien, avec plus de 500 inscrits déjà qui discutent beaucoup, et notamment des jeunes », décrit Laurence Mequecin.

La revendication faisant consensus est claire : 2800 euros d’augmentation brute annuelle pour toutes et tous. Dans un milieu où les directions d’entreprises s’appuient sur les augmentations individuelles pour maintenir la concurrence entre les travailleurs et tenter de saper la solidarité, cette revendication d’ordre collective prend un sens particulièrement progressiste.

« Lundi s’est tenue une assemblée générale, avec 200 salariés connectés, et très rapidement les salariés ont exprimé leur motivation et leur envie de faire grève pour obtenir cette revendication » indique la déléguée syndicale. L’assemblée générale a tranché pour une grève ce jeudi 16 mai, jour de l’assemblée des actionnaires, qui se tient dans le pavillon Gabriel, près de l’Élysée. Une date clef lorsque l’on sait que l’entreprise à racheté 883 millions d’euros de ses propres actions pour les supprimer afin faire augmenter son taux en bourse, mais refuse d’augmenter les salaires. Le tout dans une entreprise qui a empoché 1,55 milliard d’euros de bénéfice en 2022, et dont « la direction s’est augmentée de 30,6% en moyenne, soit 3,4 millions d’euros pour seulement 38 personnes » selon le communiqué de la CGT.

La grève a été appelé nationalement. « L’appel a été plutôt bien suivit, avec des rassemblements sur les plus gros sites, comme Issy-les-Moulineaux, Mérignac, Toulouse, Sophia-Antipolis, Aix en Provence, Lyon, Rennes ou encore Nantes. Les taux de grévistes sont toujours relativement faibles car c’est une boite avec 98% de cadres, mais la grève a été par exemple plus suivie que pendant la réforme des retraites », continue-t-elle.

Concrètement, alors que la grève n’est pas habituelle chez Capgemini, l’on dénombre sur le site d’Issy-les-Moulineaux, 4 salariés sont en grève et 50 sur l’ensemble des sites du groupe. « Cela peut paraître peu ou dérisoire, mais chez nous, c’est beaucoup », précise Laurence Mequecin dans un article de France 3 Régions. « Nous avons des collègues qui se sont déclarés grévistes. Ils sont sur site, en télétravail ou en clientèle. C’est du jamais vu et un vrai miracle », ajoute la secrétaire générale de la CGT-Capgemini.

Pour le moment, aucune réponse de la direction aux revendications des grévistes, mais ceux-ci ne comptent pas en rester là et organisent ce vendredi une nouvelle assemblée générale pour discuter des suites du mouvement. Plus largement, dans un secteur où les mobilisations sont extrêmement rares et toujours difficiles, Laurence Mequecin voit leur lutte comme un possible signal pour les boites plus petites, étant donné que Capgemini est scruté. Le patronat du secteur y effectue ses tests de management, de flex office, d’organisation du travail, etc. Récemment, les travailleurs de Smile, une autre entreprise de service informatique, ont eux aussi mené une grève pour les salaires, le 25 avril, et, devant le mépris de leur direction ont décidé de la reconduire le 23 mai. 

Un premier signal que, dans ce secteur, les salariés commencent à refuser l’arbitraire patronal et commencent à se mobiliser pour leurs salaires, face à des patrons et des actionnaires toujours plus voraces.

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