samedi 25 mai 2024

Offensive historique : la durée d’indemnisation du chômage bientôt réduite de 40% ?

Joël Malo

Gabriel Attal veut imposer de nouvelles mesures contre les chômeurs applicables dès le 1er juillet. Conditions pour ouvrir des droits, durée d’indemnisation, chômage des seniors, rien ne sera épargné. Bénéfice de l’opération : 3,6 milliards d’euros d’économie, pour financer les cadeaux au patronat.

Depuis mercredi, Catherine Vautrin, la ministre du Travail rencontre les organisations syndicales et patronales pour leur présenter les mesures que le gouvernement veut imposer pour l’assurance-chômage et qui seront présentées par Gabriel Attal dans les prochains jours. Alors que le gouvernement prépare les esprits depuis plusieurs semaines à une cure d’austérité drastique, entre 20 et 50 milliards de coupes budgétaires d’ici à 2027, et dans le contexte d’une potentielle remontée du chômage, c’est une nouvelle offensive violente qui s’annonce pour faire des économies sur le dos des plus précaires.

Conditions pour ouvrir des droits, durée d’indemnisation : tout y passe

Le temps de travail nécessaire pour ouvrir des droits au chômage est la première cible (sans parler encore de leur montant ou de leur durée). Quand Macron est arrivé au pouvoir, il fallait avoir travaillé au moins 4 mois dans les 28 derniers mois pour avoir droit à une indemnisation. Passées à 6 mois dans les 24 derniers mois avec la réforme de 2019, ces « conditions » devraient désormais « s’allonger » à 8 mois de travail dans les 20 derniers mois. De cette manière, des dizaines de milliers de travailleurs précaires qui enchaînent des périodes de travail hachées, notamment des emplois saisonniers, perdront la possibilité de toucher le chômage. Les projections existantes permettent d’estimer qu’au moins 15% des bénéficiaires actuels de l’allocation chômage pourraient être impactés et perdre leurs droits, ou voir ceux-ci considérablement réduits.

Mais c’est aussi la durée maximale d’indemnisation, c’est-à-dire le temps pendant lequel on peut toucher le chômage si on remplit les conditions pour ouvrir des droits, que Catherine Vautrin et Gabriel Attal promettent d’attaquer brutalement. Jusqu’à la réforme de décembre 2022, un jour travaillé (et donc cotisé) ouvrait droit à un jour de chômage. Depuis cette réforme, cette durée est indexée sur le taux de chômage. S’il y a moins de 9% de chômage (ou si le taux de chômage augmente de moins de 0,8% en un trimestre), cette durée est réduite ! Actuellement, le taux de chômage étant de 7,5%, la durée d’indemnisation est amputée de 25%. Il faut donc travailler et cotiser 24 mois pour toucher le chômage pendant 18 mois.

Les nouvelles mesures prévoient encore pire. Si le taux de chômage venait à descendre à 6,5%, la durée d’indemnisation maximale pourrait être réduite de 40%, c’est-à-dire tomber à 14,4 mois. Mais cette réduction s’applique bien entendu aussi aux personnes qui ont droit à des durées moindres. Ces nouvelles mesures rendues encore plus drastiques pour toucher le chômage, risquent de décourager nombre de travailleurs précaires à faire des démarches qu’ils estimeront inutiles. C’est aussi cela le pari du gouvernement, réduire le nombre d’allocataires de France Travail (ex-Pôle Emploi) par des contrôles et des menaces de radiation si les travailleurs font la fine bouche et refusent des boulots sous-payés, mais aussi par une réglementation toujours plus restrictive.

Après la réforme des retraites, précariser et exploiter les seniors

Cette politique de réduction impactait déjà le chômage des seniors. L’absurdité de faire travailler les anciens toujours plus longtemps, alors qu’ils sont usés par le travail et/ou que les patrons refusent de les embaucher, était jusque-là compensée par une rallonge de la durée maximale d’indemnisation. Ainsi, avec la réduction de 25% appliquée actuellement, les 53-54 ans disposaient de 22,5 mois, un délai qui passait à 27 mois à partir de 55 ans. Désormais, en dessous de 57 ans, les chômeurs seniors seront mis au régime général, 18 mois (selon les règles actuelles, 14,4 mois demain). Et donc mis au régime tout court, car s’ils ne trouvent pas à s’embaucher, ils se retrouveront sans revenu.

Le patronat et la ministre du Travail prévoient un « bonus » pour inciter les employeurs à embaucher des seniors, c’est-à-dire un nouveau transfert d’argent public vers le patronat. Le temps de son allocation (et uniquement pendant ce temps-là), l’Unédic, la caisse du chômage, versera un complément de salaire. Une manière de créer une nouvelle catégorie de travailleurs à moindre coût pour le patronat.

Pour créer des emplois, partager le travail entre toutes et tous et faire payer les capitalistes

L’objectif est clair : mettre le couteau sous la gorge aux travailleurs pour accepter n’importe quel emploi, tolérer toutes les conditions de travail et baisser la tête au risque d’être mis à la porte. Une offensive brutale qui rejoue la stigmatisation permanente déjà mise en avant par la droite et l’extrême droite contre « les assistés » mais qui concerne bien tous les travailleurs et leurs conditions de travail.

C’est cela qu’entend le gouvernement lorsqu’il estime que cette réforme pourrait « créer 90.000 emplois ». Les magiciens du gouvernement pensent créer de l’activité économique en créant de la misère. Autrement dit et en guise de « tour de magie », il s’agit de niveler toujours plus par le bas les conditions de travail en parallèle de la chasse aux syndicalistes menées à coups de licenciement ou de poursuites pénales ou en s’asseyant carrément sur la loi comme le fait l’entreprise In Vivo à l'égard de Christian Porta, syndicaliste CGT en Moselle.

Or, la seule solution face au chômage de masse, c’est bien de partager le temps de travail entre toutes et tous, de réduire drastiquement le temps de travail et d’augmenter les salaires. Les travailleurs produisent largement de quoi permettre à chacun de travailler sans y perdre sa santé et sa vie, et de vivre dignement. La preuve, en 2022 par notre travail, nous avons entretenu à hauteur de 97 milliards d’euros des actionnaires inutiles, et les bénéfices des grands groupes du CAC 40 ont explosé, tandis que l’Etat ponctionne 413 milliards d’euros pour son réarmement militaire et gave les patrons d’aides publiques.

Une fois de plus : l’impasse du dialogue social

Pour faire face au braquage de Macron, que l’extrême droite s’apprête à poursuivre si elle devait prendre sa place, il faut travailler à l’unité des travailleurs, peu importe leur situation d’emploi. Alors que le gouvernement joue de la division entre travailleurs en emploi et sans emploi pour nous attaquer toutes et tous, il faut s’inspirer de l’unité qui s’est réalisée contre la réforme des retraites.

Cela implique que les organisations du mouvement ouvrier organisent une grande campagne de terrain commune auprès de l’ensemble des travailleurs, préparent un plan de bataille. Or, pour l’heure, les confédérations syndicales continuent de s’enfoncer dans le dialogue social avec le patronat et le gouvernement. Les résultats de cette politique sont là : une nouvelle attaque contre l’assurance-chômage face à laquelle aucune riposte, pas même un jour de date nationale n’est programmé, et finalement les dirigeants syndicau. qui s'en remettent piteusement au groupe centre-droit LIOT pour remettre en cause les projets du gouvernement.

Cette passivité maintenue par en haut de la part des organisations ouvrières est bien le seul répit sur lequel peut compter le gouvernement aux prises avec la lutte du peuple kanak pour son droit à l’auto-détermination, à la poussée de combativité du mouvement étudiant pour la Palestine. Mais il n’est pas trop tard, il faut s'inspirer de la combativité qu'ont montré les cheminots lors de la grève du 21 mai pour la généraliser à l’ensemble des travailleurs. 

La colère ouvrière a plus que jamais besoin de s’exprimer dans une riposte et d’un plan de bataille dans cette perspective, au risque autrement d’être détournée par cet autre parti des riches qu’est le RN.

Révolution Permanente

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