vendredi 7 juin 2024

Assurance chômage : le gouvernement présente son violent décret anti-chômeurs

Joshua Cohn

Mardi, le gouvernement a transmis au Conseil d’État et aux syndicats son projet de décret de réforme de l’assurance-chômage. Face à l'attaque brutale, l'intersyndicale se contente pour le moment d'appeler à une conférence de presse et d'appuyer un projet de loi de LIOT visant à contrer la réforme.

Mardi 4 juin, le gouvernement a transmis son projet de décret de réforme de l’assurance chômage pour avis au Conseil d’État. Une étape préalable à sa publication qui devrait arriver avant le 30 juin, pour une entrée en vigueur le 1er décembre. Sans surprise, le projet présenté constitue une offensive historique contre l’assurance chômage.

Un projet brutal contre les travailleurs au chômage

Si la réforme passe, il faudra désormais justifier de 8 mois de travail sur les 20 derniers mois pour bénéficier d’une indemnisation par France Travail (ou sur les 30 derniers mois pour les personnes âgées de 57 ans et plus), contre 6 mois sur les 24 derniers mois (ou sur les 36 derniers mois pour les chômeurs âgés de 53 ans ou plus) aujourd’hui. En 2017, au moment de l’arrivée au pouvoir de Macron, il fallait avoir travaillé 4 mois au cours des 28 derniers mois (36 mois pour les salariés âgés de 53 ans et plus).
La durée maximale d’indemnisation est également revue à la baisse. Aujourd’hui, elle est de 18 mois en dessous de 53 ans, de 22,5 mois entre 53 et 54 ans et de 27 mois à partir de 55 ans. Elle passera à 15 mois le 1er décembre prochain, et à 22,5 pour les seuls chômeurs de 57 ans et plus. La catégorie des chômeurs de 53 à 54 ans, quant à elle, est purement et simplement supprimée. Une mesure qui va aggraver la situation de nombreux travailleurs au chômage.
Enfin, dans la continuité de la réforme de l’assurance chômage de l’an dernier, qui avait fait passer la durée maximale d’indemnisation de droit commun de 24 à 18 mois, au motif que le taux de chômage était passé au-dessous de 9 %, les nouvelles règles prévoiront que si le taux de chômage passe en-dessous de 6,5% sur deux trimestres consécutifs, celle-ci serait réduite à 12 mois (et à 18 mois pour les 57 ans et plus).
Ainsi, en plus durcir toutes les conditions de versement des allocations chômage, le gouvernement attaque tout particulièrement les chômeurs les plus âgés en repoussant les critères d’âge ouvrant droit à un régime de faveur lui-même fortement dégradé. Il s’agit pour le gouvernement de pousser la réforme des retraites jusqu’au bout, en écartant le risque d’un report des économies faites sur les retraites sur l’assurance chômage.
 À cela s’ajoute la piste encore non confirmée d’un allongement du report de l’indemnisation en cas de rupture conventionnelle, dont le plafonnement, aujourd’hui fixé à 6 mois, pourrait passer à 8 mois ou plus. Une mesure qui aurait pour effet de vider la rupture conventionnelle de son intérêt économique, l’ancien salarié devant vivre en consommant son indemnité de rupture en attentat le début de son indemnisation.

Cette réforme ultra-brutale est dénoncée très largement. Dans un article publié cette semaine, l’économiste Michael Zemmour souligne que le projet réalise des « économies en excluant les demandeurs d’emploi de l’indemnisation, à l’entrée ou en précipitant la sortie d’indemnisation » avec pour conséquence d’exclure autour de 230 000 personnes de l’indemnisation, d’après ses estimations, tout en obligeant de nombreux chômeurs à accepter des emplois moins rémunérés et plus précaires.

Des réponses sur le terrain institutionnel et parlementaire largement insuffisantes

Comme lors de la réforme des retraites, le groupe parlementaire centriste LIOT cherche à se présenter en défenseur des droits sociaux et a déposé une proposition de loi pour remettre la question de l’assurance chômage entre les mains du dialogue social, discutée ce mercredi à l’Assemblée en commission des affaires sociales. L’intersyndicale soutient cette proposition de loi et tiendra une conférence de presse le 11 juin prochain pour exprimer son opposition au projet du gouvernement.
Si les directions du mouvement ouvrier ont unanimement dénoncé le projet de décret, annoncé depuis plusieurs mois, elles restent cependant largement attentistes, et continuent de s’accrocher à la logique du dialogue social et à la recherche d’issues institutionnelles au Parlement. Une impasse, alors que l’échec total du dialogue social, face à une position extrêmement dure du MEDEF a précisément permis au gouvernement de reprendre la main sur le dossier et d’avancer sa nouvelle série d’attaques pour mettre les demandeurs sous pression et ainsi s’attaquer aux salaires et aux conditions de travail de tous les travailleurs.
Plutôt que de parier sur des projets de loi dont l’adoption, voire l’examen, est difficilement envisageable en dehors de tout rapport de force, l’heure devrait être à commencer à dessiner une riposte face à l’offensive anti-ouvrière du gouvernement. En s’inspirant de la combativité de cheminots le 21 mai dernier et en s’appuyant sur le contexte des Jeux olympiques, le mouvement ouvrier pourrait revenir sur le devant de la scène, avec un plan de bataille pour mettre un coup d’arrêt aux attaques anti-sociales du gouvernement...
... et pour construire une réponse d’ensemble dans une situation marquée par la progression de l’extrême-droite, la crise et la guerre.

Révolution Permanente

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