mercredi 5 juin 2024

Joe Biden, guerre et paix, et élections

Antoine Manessis

Joe Biden, qui est largement responsable du carnage qui s'est abattu sur Gaza, vient de déclarer: "Il est temps de mettre fin à cette guerre". Il a présenté un "plan de paix" soi-disant "israélien". 

Déjà le truc démarre mal. Chacun sait que ce plan est étasunien et non israélien. Un mensonge diplomatique, mais  pourquoi ? Sans doute pour faire pression sur le premier ministre israélien sans l'humilier tout à fait.

Mais que contient ce plan Biden qui a déjà reçu l'assentiment de ses vassaux français, allemands et de la présidente de la Commission von der Leyen ? 

- Un cessez-le-feu total de six semaines, assorti d'un retrait israélien des zones densément peuplées de la bande de Gaza. "Certains" otages israéliens sont libérés. Dans le même temps, des centaines de prisonniers palestiniens sont remis en liberté.

- Puis une nouvelle phase de négociations qui, si elles sont concluantes, entraîneraient l'arrêt définitif  des combats et tous les Israéliens encore détenus à Gaza rentrent chez eux et les forces israéliennes se retirent complètement du territoire.

 - Enfin un vaste plan de reconstruction de Gaza est lancé, avec le soutien des États-Unis et de la communauté internationale. Tout est fait alors, selon Joe Biden, pour que le Hamas ne puisse pas reconstituer ses capacités d'attaque, et cela avec l'intervention de partenaires régionaux. 

Les réactions à ce plan

Le Hamas "considère positivement ce qui a été inclus aujourd’hui dans le discours du président américain Joe Biden quant à un cessez-le-feu permanent, le retrait des forces israéliennes de Gaza, la reconstruction et l’échange de prisonniers" mais, a déclaré un des chefs du Hamas, "nous voulons qu'il se concrétise dans le cadre d'un accord global qui réponde à nos exigences."

Le Premier ministre israélien a rappelé ce samedi que les conditions pour arriver à un cessez-le-feu permanent à Gaza n’avaient pas changé dans le plan israélien et comprenaient "la destruction du Hamas" ainsi que la libération de tous les otages. L’idée qu’Israël acceptera un cessez-le-feu permanent avant que ces conditions ne soient remplies est vouée à l’échec, a-t-il déclaré, nuançant son enthousiasme pour "son" supposé plan.

Sur le terrain, l’armée israélienne a intensément bombardé la ville de Rafah, quelques heures après l’annonce par le président américain. Les forces israéliennes ont poursuivi leur offensive à Rafah malgré les protestations de la communauté internationale.

Ophir Falk, principal conseiller en politique étrangère de Netanyahu, a déclaré que la proposition de Joe Biden était "un accord que nous avons accepté  (...) Ce n'est pas un bon accord, mais nous souhaitons ardemment la libération des otages, de tous les otages. Il y a beaucoup de détails à régler", a-t-il ajouté, précisant que les conditions israéliennes, notamment  "la libération des otages et la destruction du Hamas en tant qu'organisation terroriste génocidaire", n'avaient pas changé. "Les allégations selon lesquelles nous avons accepté un cessez-le-feu sans que nos conditions soient respectées sont incorrectes", a ajouté Benjamin Netanyahou

En fait, Netanyahou subit des pressions contraires pour maintenir sa coalition gouvernementale d'union nationale. Deux ministres d'extrême droite ont menacé de quitter le gouvernement pour protester contre tout accord qui, selon eux, épargnerait le Hamas. Mais le principal concurrent de "Bibi" le "centriste", Benny Gantz, souhaite que l'accord soit pris en considération. Des manifestations importantes ont eu lieu en Israël pour appuyer le plan Biden.

Mais le Premier ministre israélien a encore des atouts. Il a même été invité par le Congrès américain pour prononcer un discours devant les chambres réunies. C'est dire qu'il a encore de nombreux relais tant chez les Démocrates que les Républicains. Netanyahou sait que la victoire de Donald Trump en novembre est possible. Or ce dernier fait de la surenchère en faveur d'Israël, sa supportrice Nikki Halley,  gouverneure de Caroline du Sud et diplomate a même, lors d'un voyage en Israël il y a quelques jours, dédicacer une bombe par ces mots "Achevez-les !" Bref, avec Trump et sa bande d'allumés à la Maison Blanche, Israël pourra poursuivre son processus génocidaire sans frein. Il lui faut gagner du temps et exploiter les contradictions de ses adversaires.

Biden est en effet devant un dilemme cornélien entre son empathie sioniste "sans condition" et ses électeurs de l'aile gauche démocrate pro-Palestiniens. On peut penser que ce plan de paix, sorti au lendemain de la condamnation de Trump pour une histoire financiaro-sexuelles, a aussi pour but de le faire apparaître en contraste avec "Mad Donald" comme un homme d'Etat responsable et modéré. Autre dilemme, celui des Étasuniens de gauche qui hésitent entre l'abstention du fait de la complicité évidente de Biden avec le processus génocidaire  et le vote Biden pour faire barrage à l'extrême-droite trumpiste fanatiquement sioniste. Le camp démocrate est très divisé : Nancy Pelosi, pilier de l'establishment démocrate, considérait ceux qui appelaient au cessez-le -feu comme des "sympathisants de Poutine" et appelait le FBI "à enquêter sur eux". Alors que la "Squad", les élus démocrates de gauche, comme Rashida Tlaib, démocrate du Michigan ou Alexandra Ocasio-Cortz, démocrate de New-York, accusent Biden de "soutenir le génocide à Gaza".

"Genocide-Joe", comme l'ont baptisé les étudiant-e-s des universités étasuniennes, devra faire beaucoup d'efforts pour convaincre de sa soudaine volonté de paix et faire oublier son sinistre bilan au Proche-Orient. 

Antoine Manessis 

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