mardi 25 juin 2024

Kanaky : nuit de révolte après la déportation coloniale de dirigeants indépendantistes

Axel Justo

La jeunesse kanak s’est à nouveau soulevée cette nuit après l’annonce de la déportation politique vers la France de dirigeants et militants indépendantistes en vue de leur incarcération dans des prisons de l'hexagone.

Il y a moins d’une semaine, onze dirigeants et militants de la cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), dont son responsable Christian Tein, également dirigeant de l’Union calédonienne (UC), ont été arrêtés. Après des gardes à vue de plusieurs dizaines d’heures pour chacun d’entre eux, sept des militants interpellés, dont Christian Tein, sont en cours de déportation vers la France - à plus de 17 000 kilomètres de chez eux – pour être placés en détention provisoire dans l’attente d’un procès.

Le gouvernement s’est assuré de séparer et d’isoler les différents militants, en plus de les avoir déportés à plus de 17 000 km de leur nation. Ainsi, le dirigeant de l’UC et de la CCAT, Christian Tein, est incarcéré à Mulhouse, la responsable de communication de la CCAT, Brenda Wanabo, à Dijon ; le dirigeant de l’association écologiste Agir NC, Guillaume Vama, à Bourges ; l’ingénieur Steeve Unë à Blois ; le sociologue Yewa Waetheane à Nevers ; le commissaire politique de l’Union calédonienne dans la région Djubéa-Kapone, Dimitri Qenegei, à Villefranche sur Saône et la directrice de cabinet du Président du Congrès de la NC, Frédérique Muliava, à Riom.

La CCAT a constitué l’une des principales composantes organisatrices du puissant mouvement contre le projet de dégel du corps électoral initié le 28 mars et qui a pris une tournure insurrectionnelle le 13 mai dernier. Malgré la répression ultra brutale menée conjointement par un énorme dispositif militaro-policier et des milices de colons, la CCAT et la jeunesse kanak a maintenu des poches de mobilisation et des barrages ces dernières semaines. La déportation politique du principal dirigeant de la CCAT et d’autre militants indépendantistes s’inscrit ainsi dans la tentative d’écrasement brutal des révoltes qui ont secoué l’île, et vise à décapiter les franges parmi les plus combatives du mouvement indépendantiste kanak. Elle rappelle les méthodes coloniales historiquement utilisées par l’État français pour mater les mouvement de libération nationale contre la domination française.

Alors que le gouvernement annonçait en grandes pompes un retour à la normale il y a tout juste une semaine, avec notamment la réouverture de l’aéroport international La Tontouta, la réouverture des écoles et le recul du couvre-feu, l’annonce de la déportation des sept militants a ravivé la flamme du mouvement anticolonial kanak. Cette nuit a ainsi été marquée par la formation de nouveaux barrages un peu partout dans l’archipel et par plusieurs affrontements entre les jeunes révoltés et les forces de répression. Confirmant ainsi ce que redoutait le gouvernement de la voix de Gabriel Attal le 30 mai dernier : « un rien, une étincelle peut suffire à ce que les violences reprennent plus fort ».

Du dimanche dans la nuit jusqu’à lundi dans la journée à Bourail et à Poya, au centre-ouest de l’île, les manifestants sont descendus en nombre dans la rue et ont dû faire face aux assauts des brigades de policiers et gendarmes lourdement armés. Dans le sud, près de Nouméa, Païta a également été le lieu d’importants affrontements hier après-midi, tandis que le quartier de Koutio à Dumbéa, en banlieue de Nouméa, s’est également recouvert de barrages et qu’un jeune manifestant de 23 ans y est mort vers 2h30 du matin. Des barrages ont également été établis par les manifestants au niveau de la Foa, situé sur le principal axe routier entre le nord de l’île et la capitale.

Sur les diverses vidéos qui circulent sur les réseaux sociaux, on peut voir de nombreux jeunes lancer des pierres sur des blindés et des forces de répressions surarmées, dans des scènes qui rappellent d’autres conflits tristement similaires.

On peut notamment entendre, dans les vidéos qui nous parviennent de Kanaky : « libérez nos camarades ! » et « non à la justice coloniale ! », des slogans on ne peut plus clairs, alors que le gouvernement s’attache à nier tout caractère politique aux révoltes qui secouent l’île depuis mai. Alors que le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, vantait ces dernières semaines les opérations de déblaiement des routes effectués par ses troupes, elles se couvrent à nouveau de barrages, constitués tantôt de véhicules calcinés, tantôt d’arbres abattus et qui visent à empêcher l’armée coloniale de se déplacer librement dans l’île.

La répression a de nouveaux débouchée sur un lourd bilan : deux civils dont un manifestant seraient d’ores et déjà morts cette nuit dans des circonstances troubles. On peut à ce titre redouter un regain de violence de la part des colons organisés en milices, qui avaient multiplié les descentes racistes, les lynchages et les attaques de barrages après le début des révoltes en mai.

Alors que l’État colonial français repart à l’offensive contre la résistance kanak, il y a urgence à ce que l’ensemble du mouvement ouvrier et du mouvement social participent à organiser un mouvement de solidarité vis-à-vis des militants indépendantistes kanak et de toutes celles et ceux qui luttent contre l’oppression coloniale française. Une lutte qui doit commencer par exiger l’arrêt immédiat de toutes les poursuites contre les militants indépendantistes ainsi que leur libération et leur retour en Kanaky mais également la libération de tous les prisonniers politiques. 

Alors que la France est plongée dans une campagne électorale marquée par la position de force de l’extrême droite pro-coloniale, un tel combat pourrait servir de base à une lutte résolue contre l’extrême droite et Macron.

Révolution Permanente

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