jeudi 6 juin 2024

Salaire, prime et compensation : les sous-traitants propreté de la SNCF, grands oubliés des JO

Olive Ruton et Aya Namar


Les agents sous-traitants du nettoyage feront partie des plus impactés par l’affluence des voyageurs pendant les Jeux Olympiques. Ils n’ont portant aucune compensation salariale pour cette période, même après la journée de grève des cheminots du 21 mai. Tous les travailleurs du rail doivent obtenir les mêmes compensations !

La journée de grève du 21 mai a mobilisé massivement les travailleurs du rail en Ile-de-France et a obligé la direction de la SNCF à proposer, entre autres, le doublement de la prime JO initialement proposée en la faisant passer de 50 euros à 95 euros brut les jours d’épreuves. Alors que la date limite pour que les organisations syndicales donnent leur réponse concernant la signature de l’accord JOP est le 4 juin, il est important de souligner que ces avancées sont la démonstration que le rapport de forces et la grève paient. Même si l’on peut regretter que l’accord ne s’applique pas à l’ensemble de cheminots sur le territoire et seulement à ceux de certaines villes jugés plus concernés par la charge de travail supplémentaire des JOP.

Mais il est tout de même important de regarder ceux qui sont pour l’instant laissés pour compte, en particulier les travailleurs qui veillent à la propreté des gares et des trains. Ces métiers difficiles et précaires tant en termes d’horaires, de salaire, que de pénibilité, ne sont pas inclus dans l’accord qui expose les compensations proposées aux cheminots pour les Jeux, alors qu’ils sont essentiels au fonctionnement et au service de la SNCF. Aucune demande de compensation financière n’est effectuée par le donneur d’ordre, SNCF, vis à vis des entreprises sous-traitantes, alors que la SNCF a d’ores et déjà augmenté les demandes de prestations pour le nettoyage dans les gares en vue de l’augmentation de la charge de travail pendant les JOP.

Nous avons rencontré deux de ces travailleurs, salariés du nettoyage de l’entreprise USP Atalian avec qui la SNCF sous-traite une partie du nettoyage des gares et des trains. Ce groupe dont le chiffre d’affaires 2023 atteint presque le milliard d’euros (981 millions d’euros) ne propose aucune prime JO pour ses salariés qui subissent pourtant déjà une augmentation de la charge de travail en vue de l’événement.

Précarité, conditions de travail pénibles et aucune reconnaissance

Lorsqu’il nous parle de son travail, ce sont les conditions que ****** mentionne en premier. « Les conditions sont mauvaises, c’est un travail très fatiguant ». En plus des horaires difficiles, avec les horaires des trains qui forcent ces travailleurs à commencer très tôt le matin, la question du matériel participe à la pénibilité du métier. « Il nous faut du matériel. On ne peut plus travailler sans gants adaptés, sans papier toilettes, sans tenue ! » déclare ********. Il nous explique que dans son équipe, l’entreprise n’a donné qu’une seule tenue pour chaque agent, et que celui-ci doit se débrouiller pour qu’elle soit propre tout au long de sa semaine de travail. De même pour les gants qui s’usent très vite, la qualité du matériel n’est pas adaptée aux tâches.

« On nous demande tout le temps de faire un peu plus, même des choses qui ne font pas partie de mon travail », continue **********. Cette intensification progressive du temps de travail fait écho à celle observée par de nombreux travailleurs de tous les corps de métier de l’entreprise depuis quelques mois. Une préparation sournoise à peine dissimulée pour la période des Jeux Olympiques qui annonce une intensification considérable de la charge de travail cet été.

Des agents « pas concernés » par les JO selon la direction

L’hypocrisie des dirigeants du groupe est donc réelle face aux salariés qui leur demandent des comptes. « Quand on est allés les voir, ils nous ont dit qu’on n’aurait pas de prime, qu’on n’était pas concernés », raconte Fofana, délégué SUD-Rail, avant de poursuivre : « Ils font comme si tous ces touristes n’allaient pas avoir d’impact sur notre travail. La seule prime qu’ils ont un peu évoquée serait pour les gares Stade de France Saint-Denis et La Plaine Stade de France » nous rapportent les salariés, « comme si seules ces gares allaient être concernées » par l’affluence de voyageurs.

Ce déni hypocrite affiché face aux travailleurs s’étend à tous les domaines puisque la direction ne dit rien non plus d’une quelconque augmentation du temps de travail ou encore de nouvelles embauches pendant les Jeux Olympiques. « Pour l’instant on ne nous a parlé de rien ». USP Atalian et la SNCF prévoiraient donc d’assurer la propreté des gares avec le même nombre de salariés, payés avec le même salaire, alors que la charge de travail promet d’être exponentielle et que la SNCF prévoit par exemple la circulation de 4 500 trains en plus au mois d’août comparé à la normale.

« On fait partie des travailleurs du rail, on doit avoir le même accord ! »

Méprisés par leur direction, ces salariés se préparent à imposer leurs revendications à la direction d’USP Atalian et à la SNCF. « On fait partie des travailleurs du rail, on a les mêmes syndicats, on doit avoir le même accord » affirme Fofana. « On sait aussi se mettre en grève, nous ! On l’a déjà fait en 2017, 45 jours on a tenu. On va repartir si on est méprisés comme ça » rappelle Fofana avant d’affirmer leurs revendications : « on veut nous aussi faire partie de l’accord, ou du moins que USP Atalian prenne ses responsabilités et nous donne la même chose qu’ont les cheminots. Nous ne sommes pas des travailleurs du rail de seconde zone ». Au-delà même d’une prime JO qui doit être équivalente à celle des cheminots, les travailleurs soulèvent ainsi les questions des conditions de travail, du matériel, et des embauches sur lesquelles ils entendent obtenir gain de cause.

Autant de revendications et de témoignages qui font écho à ceux d’autres branches de travailleurs du rail, qui ont été au cœur des grèves sectorielles que l’on a vu fleurir ces derniers mois chez les contrôleurs, les aiguilleurs, les agents commerciaux, etc. La journée de mobilisation du 21 mai a été une démonstration, elle a montré l’intensification du rapport de force par une grève coordonnée, inter-métiers, massive. Elle a permis de pointer, en aspirant à les dépasser, les limites des grèves catégorielles et posé des pistes pour penser une alliance plus large et plus forte qui mobiliserait massivement sur l’ensemble du territoire et dans tous les secteurs, au statut ou non.

C’est l’union de l’ensemble des travailleurs du secteur, sous-traitants ou embauchés par la SNCF en CDI ou au statut, qui permettra d’envoyer un message fort et de créer un véritable rapport de force, pour que tous bénéficient des mêmes acquis et pour poser également sur la table des revendications plus offensives, comme des augmentations des salaires, leur indexation sur l’inflation. 

La colère commune de tous les salariés face à l’exploitation de plus en plus forte et la dégradation des conditions de travail qui s’intensifient avec les JO doit pousser pour gagner sur les revendications et arracher des avancées à la hauteur pour tous les travailleurs du rail.

Aucun commentaire: