vendredi 19 juillet 2024

100 milliards d’économies : l’UE accentue la pression austéritaire sur la France

Nathan Deas

Dernière ligne droite avant le déclenchement formel d’une procédure pour déficit excessif contre la France. En pleine crise politique et sans attendre un nouveau gouvernement, Bercy prépare un plan d’économies de 100 milliards d’euros en quatre ans.

Depuis mardi 16 juillet la France fait partie des sept Etats membres désormais placés par la Commission européenne en procédure de déficit excessif avec l’Italie, la Pologne, la Belgique, la Hongrie, la Slovaquie et Malte qui ont tous explosé les fameux 3% de déficit budgétaire gravés dans le marbre du traité de Maastricht. Alors que la France n’a pas connu de situation budgétaire excédentaire depuis 2014, les vannes du crédit ouvertes lors de l’épidémie pour maintenir l’économie à flot au service du grand patronat, ainsi que les paris ratés de Macron en termes de prévision de croissance ont ainsi ouvert une situation où la France se retrouve, comme les autres mauvais élèves de l’Europe, dans le viseur des marchés.

Si la décision des ministres de l’Economie et des Finances de l’Union Européenne réunis en « Ecofin », conseil des affaires économies et financières, n’est pas une surprise, elle intervient cependant au milieu de la crise politique ouverte par la dissolution de l’assemblée nationale et alors que le résultat du second tour des législatives ainsi que le retour d’une force d’une tripolarisation du champ politique ont approfondi les tendances à l’ingouvernementabilité. Alors que l’ensemble des responsables politiques feignent d’ignorer le processus européen tous l’ont en tête. Au spectre d’une nouvelle crise de la dette, alors que les taux d’emprunts se stabilisent à des niveaux élevés, s’ajoute désormais la pression politique de la Commission Européenne (quelques semaines après celle de la BCE), et ses menaces austéritaires qui pourraient conduire le futur gouvernement à de nouvelles offensives contre les travailleurs.

Le Conseil doit valider d’ici à la fin du mois la procédure, mais la suite s’annonce déjà périlleuse. La coalition des pays dits « frugaux », dirigés par les Pays-Bas et les pays baltes, sous le patronage du parti libéral allemand, a déjà prévenu : il n’y aura aucune concession en faveur de la France et de l’Italie. En début de semaine, la Cour des comptes, publiait dans le même sens un rapport appelant le prochain cabinet gouvernemental à faire des « efforts difficiles » pour résorber la dette. Une fois la procédure définitivement enclenchée, la balle sera dans le camp de Paris. En septembre, le futur gouvernement devra envoyer à Bruxelles son plan de réduction de la dette et du déficit sur sept ans.

Les traductions budgétaires devraient être immédiates. Selon lecalculs de l’Institut Bruegel « si la France veut revenir à un solde budgétaire primaire, avant paiement des intérêts de la dette, positif, qui permettrait de stabiliser la dette publique, alors l’ajustement budgétaire à consentir d’ici à 2027 est proche de 4 points du PIB, soit un peu plus de 100 milliards d’euros ». Soit 25 milliards d’euros par an et 1% du PIB, c’est-à-dire autant que la croissance. Sans compter que de nouvelles réductions des dépenses publiques pourraient encore affaiblir la demande, au risque de plonger l’économie dans une spirale dépressive.

Bruno le Maire, qui a mis à profit ses derniers jours à Bercy pour imprimer sa marque sur les futurs budgets, a déjà annoncé de premières coupes. Dix milliards d’économies supplémentaires ont été demandés, qui viennent s’ajouter aux dix milliards décidés par décret en février. Les services publics, à commencer par l’hôpital et l’éducation, tout comme les collectivités territoriales, devraient à nouveau être mis à contribution. Alors que le RN s’est converti, sur fond de « stratégie de la cravate », à la politique de l’offre macronienne [1] et que l’Assemblée penche à droite malgré la victoire en trompe l’œil du NFP, les travailleurs pourraient être la cible de violentes attaques dans les prochains mois.

Difficile d’imaginer, dans ce contexte, même dans le scénario très hypothétique d’une prise du pouvoir, que le NFP puisse faire « barrage » à ces offensives. Les tractations internes à la coalition, ces derniers jours, semblent même préparer le contraire. Ainsi le PS, renforcé considérablement à l’issue des législatives grâce à la politique d’union portée par La France Insoumise, cherche déjà à construire des traits d’union avec la macronie et de futures alliances. Une politique qui illustre l’impasse de cette coalition et de sa logique de conciliation et qui annonce d’importants renoncements programmatiques.

Alors que dix ans après la crise de l’euro la récession menace l’UE et que le nouveau pacte de stabilité, définitivement adopté en avril annonce de nouvelles mesures anti-ouvrières, l’urgence est à la préparation de mobilisations ouvrières pour affronter la situation. Une politique encore très éloignée de celle de la CGT, qui se contente de chercher à accompagner un hypothétique gouvernement de gauche, en laissant entendre que celui-ci serait capable d’arracher nos revendications à travers des compromis au Parlement. Une impasse face à laquelle il faut rappeler que notre capacité à refuser de payer la crise dépendra de nos luttes.

[1Nathan Deas, « Programme économique : le RN dans les pas du président des riches », Revolution Permanente.

Révolution Permanente 

Aucun commentaire: