vendredi 19 juillet 2024

Résistance, Union, Programme

Antoine Manessis

Chaque jour, chaque heure, apporte des déclarations, prises de position, petits rebondissements, phrases assassines...

Reste la situation dans sa globalité : une impasse politico-institutionnelle.

Comment dépasser la crise, le blocage ?

La gauche de gauche possède un mouvement politique, la France Insoumise, qui lui a évité, on ne cessera de la répéter, une déconfiture totale comme en Italie, en Allemagne, en Grande-Bretagne et dans bien d'autres pays. Autour de la FI s'est construit un pôle de résistance à l'extrême-centre et à l'extrême-droite (certaines tendances de la gauche radicale NPA-Anticapitaliste, POI, des antifas, les décoloniaux, des écolos anti-capitalistes, des féministes, des anti-racistes, des internationalistes...).

La FI a sans doute bien des progrès à faire, nous en avons suffisamment parlé ici pour ne pas nous répéter. Mais cette gauche existe et elle a pu agréger des forces de la gauche d'accompagnement (PS, PCF, Ecolos) grâce au rapport de forces établi avec elle après la présidentielle de 2022 (NUPES) puis après la dissolution macroniste (NFP). 

Faut-il répondre aux faibles d'esprit qui attendent l'Apocalypse en critiquant tout le monde et en jouant à l'Eternel retour de 1917 du haut de leurs quelques dizaines d'adeptes et de leur néant ? 

Non, ce qui est préoccupant c'est que la gauche d'accompagnement a quasiment fusionné idéologiquement avec la droite. Certains même (Valls) la droite extrême. Du moment qu'ils ne croient pas qu'une alternative progressiste soit possible, que leur seule action est conçue comme arrondissant certaines arrêtes du capitalisme, ils sont toujours tentés de s'entendre avec le bloc central bourgeois. La dernière candidate, Laurence Tubiana, proposée par le PS pour la charge de 1er ministre est un modèle du genre. Macroniste ou Macron-compatible.

Cette gauche bourgeoise, comme la Macronie et LR, alimente, inconsciemment peut-on espérer, en carburant le néofascisme. Son impuissance à faire autre chose qu'accompagner le néolibéralisme pour prétendument le rendre moins douloureux, pousse une large fraction des classes populaires et moyennes dans les bras du RN. Non que ces gens attendent des miracles de l'extrême-droite mais ils n'attendent de miracles de personne et ne croient pas aux miracles. Le vote RN c'est du ressentiment et pas d'espoir.

Du coup, les mesures sociales concrètes et la dynamique sociale contenues dans le programme du NFP deviennent insupportables à cette gauche molle. C'est le sens de la tribune, signée par Laurence Tubiana et ses clones, qui insiste sur le compromis à passer avec les "républicains", comprendre avec Macron. 

Fabien Roussel, chef du PCF, ne dit pas autre chose, quand il critique la formule insoumise "rien que le programme, tout le programme". Que la droite, non seulement macroniste mais même LR, envisage un gouvernement "républicain" avec le PCF (et sans la FI) en dit plus long que tout sur ce qu'est devenu ce parti. 

Après on fait avec ce que l'on a. Qui se faisait des illusions sur Léon Blum en 1936 ? Qui se faisait des illusions sur François Mitterrand en 1965 ou en 1981? Qui se faisait des illusions sur Charles de Gaulle en 1945 ou en 1958 ? Pas les marxistes en tous les cas.

Donc que devons-nous faire? Le superbe isolement ? Le refus des compromis ? Une croix sur les forces sociales qui se reconnaissent encore dans ces partis de la gauche d'accompagnement ? Bref "le solo funèbre" ?

Nous ne le pensons pas. Sans le NFP et son sursaut anti-fasciste, nous aurions probablement Jordan Bardella à Matignon. Si les "purs et durs" s'en fichent, les marxistes ne peuvent pas se tromper. Nous répétons ici ce que nous avons dit au lendemain de l'accord : le NFP fut une victoire politique comme son résultat le 7 juillet. Nous pensons même qu'il faut gratter tout ce que l'on peut. Nous sommes certainement gênés aux entournures par nos alliés mais eux aussi le sont par nous. Donc on lutte, on fait de la politique et on porte bien haut le drapeau de l'union qui n'existerait pas, même de façon embryonnaire, sans la France Insoumise.

Cela veut dire se faire comprendre des masses. Cela veut dire ne pas se contenter d'avoir raison mais convaincre les autres que c'est le cas. Pour ma génération, nous avons une expérience malheureuse à ce propos. En 1978 le PCF fut incapable de faire comprendre aux gens ce que le PS préparait : le ralliement au néolibéralisme. La manière dont le PC déclina la juste sentence "l'union est un combat" fut catastrophique et contre-productive.

La France Insoumise aura besoin de la plus grande intelligence politique pour faire face aux forces de désagrégation du NFP, politiques et médiatiques. Sans compter que bien des choses vont peser sur le rapport des forces d'ici l'échéance présidentielle (incontournable qu'on l'admette ou non). L'attitude encourageante de la CGT de Sophie Binet à l'égard du NFP et la capacité et l'ampleur des mobilisations à venir seront centrales. 

Là encore la centralité des luttes et des mobilisations populaires ne s'oppose pas aux autres champs de bataille. Et surtout cessons de recourir à des fétiches : ce n'est pas en juillet/août que nous mobiliserons. Or certaines choses se mettent en place ici et maintenant. Donc agissons en conséquences, en évaluant avec lucidité et sang-froid ce qu'on peut ou ne peut pas faire.

Nous pensons que le mot d'ordre aujourd'hui peut être : Résistance, Union, Programme. Comme toujours tenons les deux bouts de la chaîne, souplesse tactique et fermeté stratégique, analyse concrète de la situation concrète.

We shall overcome somme day.

Antoine Manessis 

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