vendredi 12 juillet 2024

Coup de force : Macron tente de faire barrage au NFP en fixant les conditions du prochain gouvernement

Paul Morao

Dans une lettre envoyée à la presse régionale, le Président fixe les conditions pour la nomination d’un nouveau premier ministre, qui devra émaner selon lui d’une coalition majoritaire. Un coup de force totalement anti-démocratique pour se replacer au centre du jeu.

Ces derniers jours, la question de la composition du prochain gouvernement agite le débat politique en France. Après des législatives remportées par la gauche, sans que celle-ci ne parvienne à obtenir une majorité absolue, le NFP demande à gouverner. En face, la macronie et la droite tentent de dessiner des scénarios alternatifs, entre projet de grande coalition et projet d’alliance Ensemble-LR. Une situation d’indétermination face à laquelle Emmanuel Macron a décidé d’intervenir ce mercredi dans une lettre transmise à la PQR.

Malgré la défaite de son camp aux législatives, celui-ci y explique que « personne ne l’a emporté » et appelle à un accord de « l’ensemble des forces politiques se reconnaissant dans les institutions républicaines, l’Etat de droit, le parlementarisme, une orientation européenne et la défense de l’indépendance française » pour « bâtir une majorité solide, nécessairement plurielle ». Minoritaire, Macron fait de cette perspective la condition pour la nomination du prochain Premier ministre, imposant ainsi sa volonté de façon totalement bonapartiste et anti-démocratique. Une position qui va jusqu’à s’immiscer dans le programme du futur gouvernement, en expliquant que celui-ci « devra se construire autour de quelques grands principes pour le pays, de valeurs républicaines claires et partagées, d’un projet pragmatique et lisible et prendre en compte les préoccupations que vous avez exprimées au moment des élections. »

L’annonce vise non seulement à faire barrage à un gouvernement Nouveau Front Populaire, réclamé par la gauche, mais également à maintenir au pouvoir le gouvernement actuel jusqu’à l’émergence d’une coalition. Il s’agit d’un coup de force qui doit être dénoncé largement. Plus affaibli que jamais, Macron continue de vouloir dicter qui peut gouverner, en s’appuyant pour cela sur les rouages anti-démocratiques de la Vème République et les attributions qu’elle confère au Président de la République.

Cependant, si cette politique est rendue possible, c’est également grâce à la politique de désistements systématiques dans l’entre-deux tours au nom de la lutte contre l’extrême-droite, au profit de figures aussi réactionnaires que Elisabeth Borne ou Gérald Darmanin, désormais ennemi numéro 1 du NFP sur les plateaux télés. Plébiscité par toutes les forces de la gauche, ce « front républicain » a permis à Macron, malgré la haine qu’il suscite dans le pays, de sauver les meubles aux législatives, en conservant un socle de 163 députés qui le place au centre d’éventuelles coalitions. Désormais, le Président explique qu’« aucune force politique n’obtient seule une majorité suffisante et les blocs ou coalitions qui ressortent de ces élections sont tous minoritaires », et appelle à prolonger la logique du « front républicain » dans un gouvernement.

La décision de Macron met ainsi en lumière les limites profondes de la gauche institutionnelles. Ces derniers jours, Jean-Luc Mélenchon et le NFP se limitent à exiger une « cohabitation » avec Macron et montrent leur adaptation totale au cadre totalement anti-démocratique de la Vème. À la menace d’appeler Macron à démissionner exprimée dans l’entre-deux tours s’est substituée son interpellation pour qu’il accepte de nommer un premier ministre de gauche. Cette stratégie institutionnelle est non seulement impuissante, mais elle ouvre la voie aux pires compromissions et trahisons, avec le risque réel qu’une partie de la gauche finisse par accepter de travailler avec Macron, comme certains l’ont envisagé très concrètement avant le 7 juillet.

Alors que le gouvernement à venir sera de toute façon fragile et soumis aux aléas d’une situation éruptive, ce constat rappelle à nouveau combien les travailleurs, la jeunesse et les quartiers populaires ne doivent se faire aucune illusion sur la capacité d’un éventuel gouvernement de gauche à arracher des revendications à la hauteur de leurs aspirations. Qu’il s’agisse des salaires, des retraites, ou du durcissement autoritaire du régime, dans la situation de crise internationale actuelle et de déclin du capitalisme français...

... c’est plus que jamais dans nos propres forces et dans les armes du monde du travail que nous devons placer notre confiance.

Révolution Permanente

Aucun commentaire: