jeudi 18 juillet 2024

Crise politique : Wauquiez et Darmanin prêts à s’entendre sur un « pacte législatif » ?

Antoine Weil

Face à l’absence de majorité, le patron des LR Laurent Wauquiez propose un « pacte législatif » à l’Assemblée sans participer au gouvernement. Alors que Darmanin défend l’accord, Macron ouvre la porte à cette alliance pour tenter de reprendre la main.

Très affaibli à l’Assemblée, Macron multiplie depuis le 7 juillet les manœuvres anti-démocratiques pour tenter de se maintenir au pouvoir. Après l’échec de la « lettre aux français », une lueur d’espoir semble cependant se profiler. Depuis quelques jours, le président du groupe LR « Droite Républicaine » Laurent Wauquiez, qui avait affiché son refus de toute accord de coalition, a proposé en échange un « pacte législatif ». De quoi ouvrir la perspective d’un accord autour d’un ensemble limité de propositions, sans former de gouvernement commun.

Wauquiez propose un « pacte législatif » pour assurer la stabilité et gouverner à droite toute

Après avoir constamment refusé de s’entendre avec le camp présidentiel ces deux dernières années, les LR sont cette fois disposés à discuter d’un accord avec Macron-Darmanin. Toujours pas de coalition, mais un plan intermédiaire motivé selon Laurent Wauquiez par une posture de « responsabilité » face au péril d’un gouvernement NFP et au risque d’instabilité politique. D’après Le Figaro Wauquiez estime « que le pays ne peut pas se payer le luxe de rester bloqué compte tenu de l’ampleur des difficultés », ce dernier ayant confié au quotidien conservateur : « j’assume mes responsabilités : nous ne laisserons pas la France insoumise prendre le pouvoir » et insisté auprès de l’AFP sur « la nécessité d’apporter de l’apaisement dans un pays miné par les tensions ».

Une proposition d’accord sur un « pacte législatif » qui semble largement guidée par la volonté d’empêcher un gouvernement NFP, auquel la base du parti de droite est très hostile, et par le besoin de maintenir une certaine indépendance vis-à-vis de Macron en vue de la présidentielle de 2027. Dès lors, il s’agit de maintenir la ligne d’une « droite républicaine et indépendante » qui refuse de former une coalition gouvernementale. La marche à suivre serait donc de proposer « une dizaine de textes », autour de thématiques telles que « la dévalorisation du travail, l’insécurité, l’immigration ou le ras-le-bol des normes ». Rien de très nouveau pour LR, mais des mesures qui s’inscrivent sur le terrain sécuritaire, xénophobe et pro-patronal, à même de s’entendre avec l’objectif de Darmanin de s’ancrer le plus à droite possible.

Sur la méthode, Wauquiez veut une coopération « étroite » avec le Sénat pour travailler sur ce pacte dès jeudi, ce qui pourrait renforcer le poids des LR alors qu’il dispose d’une majorité dans la chambre haute, dirigée notamment par Gérard Larcher. D’après Le Figaro à nouveau, ce pacte s’articulerait autour de « quatre propositions prioritaires » pour « débloquer la France dans les cent jours », et pourrait être soumis à l’exécutif dès la semaine prochaine. En profitant du pôle de stabilité que représente le Sénat, les LR veulent se positionner comme une aile capable d’avancer des propositions pour débloquer la situation, au moment où le NFP reste englué dans des tractations interminables autour du choix du premier ministre.

Darmanin défend un accord avec LR, Macron prêt à valider l’alliance ?

Très loin d’avoir une majorité à l’Assemblée nationale, le camp macroniste semble disposer à accepter cette main tendue pour tenter de reprendre la main et écarter dans le même temps le NFP du pouvoir. C’est Gérald Darmanin qui a le premier appuyé l’initiative, dans un message aux députés du groupe « Ensemble pour la République » consulté par l’AFP : « Nous devons travailler avec Les Républicains sur le fond. Les propositions législatives du groupe de la droite républicaine sont très intéressantes et méritent que nous en discutions. Les axes évoqués sont en grande partie ceux qu’il faut travailler à la demande des Français et que nous avons pu entendre pendant cette campagne. »

Un appel à s’entendre qui correspond à la ligne portée dès le lendemain des législatives par Darmanin, pourtant élu avec les voix de la gauche, pour gouverner à droite toute. Reste à voir si le reste de la macronie, profondément divisée, acceptera de le suivre. L’Opinion relaie ainsi l’affrontement qui oppose Darmanin et Attal pour le leadership au sein de Renaissance, le premier cherchant à pousser la macronie à droite tout quand le seconde représente une position plus équilibrée pour maintenir l’unité du camp présidentiel.

Un coup de barre à droite que, pour l’heure, Macron n’avait pas validé sur toute la ligne, tentant de maintenir l’unité de troupes très largement divisées, sur fond de discrédit profond du chef de l’Etat. Mardi cependant, le Président de la République a ouvert la voie à cette hypothèse et invité ses soutiens lors du Conseil des ministres à « mettre une proposition sur la table en vue d’une coalition majoritaire ou d’un large pacte législatif ». En reprenant cette dernière proposition, Emmanuel Macron fait un appel du pied clair en direction des Républicains.

Le « pacte législatif », point de départ pour un gouvernement de coalition ?

Après une semaine de combines, rendez-vous secrets et de coups de force anti-démocratiques, qu’exprime encore le choix de maintenir Gabriel Attal au gouvernement pour plusieurs semaines, la macronie et les Républicains, deux forces profondément discréditées et minoritaires, pourraient donc bien s’entendre sur un « pacte législatif » pour tenter de reprendre la main et couper l’herbe sous le pied du NFP.

Reste qu’avec 163 sièges pour les composantes du camp présidentiel et 39 pour les Républicains, cet accord limité et pour une durée déterminée ne garantirait en rien une réelle stabilité pour un gouvernement toujours largement minoritaire. Si on peut envisager que le RN vote une partie du programme très droitier affiché par Laurent Wauquiez, sur la modèle de la majorité formée sur le vote de la loi immigration, il est par exemple très peu probable que le parti d’extrême-droite soutienne le gouvernement formé par cette alliance, lors de motion de censure ou à l’occasion du budget. Pour compléter cette majorité à l’Assemblée, Darmanin aurait ainsi en tête de parvenir à s’entendre avec le Parti socialiste, une fois l’explosion du NFP consommée.

Lundi sur France Info il appelait le PS à « se séparer de la France insoumise et de son programme économique délirant », expliquant « il faut que les socialistes se séparent de la soumission qu’ils ont avec les Insoumis, [ils] ont une grande histoire politique de notre pays, sont des démocrates et des républicains que je respecte » pour les opposer aux « gauchistes » Ecologistes et Insoumis. Si Olivier Faure s’est empressé de repousser cette main tendue, les récentes divisions au sein du NFP et la modification du rapport de force à l’Assemblée qu’entrainerait une alliance entre les macronistes et LR remettent en perspective l’idée d’une « grande coalition » du PS aux Républicains.

Si pour l’heure l’aile Macron-Darmanin profite à plein de la crise profonde que traverse le NFP, l’hypothèse d’une telle « coalition » reste toujours très incertaine tant elle aurait un coup important pour le PS. Mais les éléments d’instabilité et le risque d’ingouvernabilité restent au premier plan de la situation. Dans ce cadre, la macronie cherche à gagner toujours de plus de temps pour s’assurer le maximum de positions, comme l’illustre les grandes manœuvres à l’Assemblée. Alors que le nom d’Annie Gennevard secrétaire générale des Républicains et membre centrale de l’appareil du parti, est évoqué pour la Présidence de l’Assemblée nationale afin de marquer l’alliance avec la droite, ou bien celui de la député UDI Valérie Létard pour incarner cette main tendue. 

Le vote de jeudi 18 juillet sera ainsi un premier test de la capacité de LR et de la macronie à s’entendre.

Révolution Permanente 

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