samedi 6 juillet 2024

La seule "Grande coalition" : le nouveau Front populaire

Antoine Manessis

Le 1er juillet nous avons commis un article intitulé "La troisième force". Il est vrai que dès la nuit du 30 juin on pouvait voir venir la manœuvre macroniste et surtout la...disponibilité de certains à gauche, pour ce que les médias appelle donc désormais "la grande coalition" ou "le front républicain".

De quoi s'agit-il ? De constituer avec Macron à l'Elysée un gouvernement d'extrême-centre allant des socialistes aux LR en passant par les Verts, les roussellistes et la Macronie qui en serait l'axe central. Roussel l'envisage comme Marine Tondelier. Macron et Attal en sont à l'initiative.

Seule ligne rouge posée par la Macronie "On ne gouvernera pas avec la France Insoumise" comme l'a rappelé Macron himself. Il tente de refaire le coup du barrage au RN en ouvrant sa majorité à l'aile bourgeoise de la gauche et à la droite classique non-fascisée. Il tente ce qu'il fait depuis sa conquête du pouvoir : isoler l'extrême-droite et la gauche de gauche.

Pour ce qui est du RN presque 70% des électeurs qui se sont exprimés n'ont pas voté pour lui. Et on peut penser que chez les abstentionnistes, il y en a qui ne veulent pas du RN même si cela ne suffit pas pour les pousser à voter. Cela fait du monde même si le système électoral fausse la représentation proportionnelle des forces politiques. 

Macron veut donc, pour aller au bout de sa grande manœuvre ouverte par sa décision de dissoudre l'Assemblée nationale, criminaliser la FI. Et qu'on ne plaisante pas, cela ne date pas du 7 octobre. Cela fait des mois, des années que la Macronie tente de faire passer la FI pour un parti révolutionnaire insurrectionnel.

Le succès de Jean-Luc Mélenchon en 2022 avec ses 22% des voix avait permis l'union de la gauche au sein de la NUPES. La Macronie, comme la pression des éléments les plus droitiers de la gauche et des écolos, a miné la NUPES et a fini par la disloquer. Macron a considéré que l'union des gauches était peu probable.

Comme on l'a vu, la dissolution a contraint les Ecolos, le PS et le PCF à reconstituer avec la FI l'union des gauches, sous le nom de nouveau Front populaire. Sous peine d'extinction, un danger bien réel.  

Ce qui est important dans la NUPES, comme dans le NFP, c'est qu'il est doté d'un programme progressiste et anti-néolibéral, une forme de compromis imposé à la bourgeoisie par un rapport des forces politiques et sociales. Et potentiellement porteur d'une dynamique sociale et politique anti-capitaliste. 

C'est plus que ce que la bourgeoisie peut supporter. Aussi celle-ci a déporté son bloc central vers la droite pour s'assurer d'une base de masse plus large, mais ce faisant elle a légitimé le discours des néofascistes. Et c'est ce bloc réactionnaire dont le noyau central est le parti fasciste qui a bénéficié de ce positionnement macroniste à l'extrême-centre. La Macronie a, par sa politique sociale violemment anti-populaire et le racisme systémique qu'il a cautionné, ouvert la voie au RN et ses alliés.

Mais Macron espère que le NFP pourrait exploser s'il peut éviter la majorité absolue au RN et offrir des ministères à la fraction de la gauche bourgeoise.

Celle-ci dresse l'oreille, "Il va falloir innover" explique Tondelier. Comme Roussel et bien des socialistes. Innover ? Isoler la gauche de gauche et l'extrême-droite pour gouverner en faveur du capital, franchement pas une innovation. Plutôt une vieillerie bien connue en France sous la IVe République sous le nom de "Troisième force." Le marais, l'UMPS, le centre Sarko-Hollandais, bref ce qui a donné des forces à l'extrême-droite et à la gauche de gauche par le rejet populaire qu'il a provoqué, reviendrait au pouvoir sous couvert d'union des raisonnables, des modérés, en fait l'union de ceux qui se couchent devant le grand capital.

En fait une telle stratégie assurerait un affrontement RN/LFI en 2027. En 1958, c'est de Gaulle qui a profité du fiasco de la "Troisième force" et le parti communiste qui a pu faire aboutir sa stratégie d'union des gauches avec le programme commun en 1972.

Gouverner avec la Macronie, quelles que soient les conditions, est évidemment un piège mortel pour la gauche qui céderait à la tentation. Ruffin, décidemment mal inspiré par ses difficultés électorales, croient pouvoir construire un "projet commun" (rétablissement de l'impôt sur la fortune, RIC et abrogation de la réforme des retraites), faisant référence à la coalition de 1945 à la sortie de la guerre entre de Gaulle (et le MRP), la SFIO et le PCF. Méga erreur historique et politique. Rapport des forces, internationale et nationale, ignoré...faut le faire.

Quand Yaël Braun-Pivet appelle à une "grande coalition allant des LR aux écologistes et aux communistes", cela devrait suffire aux moins comprenants et aux plus ambitieux de saisir de quoi il s'agit. Avec deux ou trois manipulations dont le capital a le secret, les gauches qui franchiraient ce Rubicon deviendraient les supplétifs de la bourgeoisie. Une fois encore.

Heureusement, certains ont déjà compris.  Comme Sandrine Rousseau (Ecolo) qui a déclaré "Je ne suis pas prête à changer de programme […] Je ne veux pas trahir les électeurs et électrices"? Manuel Bompard (FI) a été tout aussi clair : "Les Insoumis ne gouverneront que pour appliquer leur programme, rien que le programme, tout le programme. Je ne vais pas participer à quelque gouvernement que ce soit qui ne rétablit pas de la justice fiscale, qui ne met pas en œuvre une politique de répartition des richesses autre que celle qui a été mise en place par Gabriel Attal et par Emmanuel Macron lui-même".

Le meilleur moyen de stopper la résistible ascension des Arturo Ui de notre temps, les Le Pen, Bardella et leur clique fasciste, n'est pas dans des magouilles où l'on perd les élections et l'honneur. C'est en votant pour les candidats du nouveau Front populaire et en renforçant la composante principale du NFP à savoir la gauche de gauche, la France Insoumise. 

En rejoignant les forces qui, dès le 30 juin au soir, on montré qu'un pôle de résistance se constituait pour briser l'assaut néofasciste et toutes les maoeuvres des forces capitalistes.

Antoine Manessis 

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