vendredi 2 août 2024

En assassinant Ismaël Haniyeh, Israël menace la paix au Proche-Orient

Antoine Manessis

"Les assassinats politiques et le fait que des civils continuent d’être pris pour cible à Gaza alors que les pourparlers se poursuivent nous amènent à nous demander comment la médiation peut réussir lorsqu’une partie assassine le négociateur de l’autre partie. La paix a besoin de partenaires sérieux et d'une attitude commune contre le mépris de la vie humaine", a déclaré le Premier ministre du Qatar où se déroule, sous les auspices de son pays, les difficiles discussions entre Israël et le Hamas pour un cessez-le-feu à Gaza.

Israël vient de montrer sa volonté de ne pas aboutir au cessez-le feu et à la libération des otages. En assassinant Ismaël Haniyeh, le chef politique du Hamas, l'Etat israélien vient d'abattre un négociateur porteur d'un drapeau blanc. Il le fait en Iran, circonstance aggravante et provocation délibérée.

L'assassinat d'Haniyeh "va donner une nouvelle dimension aux batailles. L’ennemi a fait un mauvais calcul en élargissant le champ de son agression, en assassinant des dirigeants de la résistance dans différents domaines et en violant la souveraineté des pays de la région […] L’ennemi paiera le prix de son agression avec son propre sang" ont déclaré les brigades al-Qassam (branche armée du Hamas).

Ali  Khamenei, le "guide suprême" de la République islamique d'Iran a déclaré : "Avec cet acte, le régime sioniste criminel et terroriste a préparé le terrain pour un châtiment sévère pour lui-même, et nous considérons qu’il est de notre devoir de venger le sang de Haniyeh qui a été versé sur le territoire de la République islamique d’Iran".

La situation semble donc se tendre dans la région

L'assassinat du chef du Hamas, mercredi 31 juillet, à Téhéran, et le tir d'un missile, à Beyrouth, visant Fouad Chokr, cadre important du Hezbollah, changent la donne au Proche-Orient.

La démonstration de force de Tsahal et des services israéliens ne règle rien. Le monde sait que militairement Israël est plus forte et de loin que ses adversaires. Mais il sait aussi que dans les guerres de libération la solution ne peut être que politique. Dien Bien Phu et Alger l'ont fait comprendre à la France. Et le Vietnam aux États-Unis. Et l'Afghanistan à la Russie soviétique et à l'OTAN.

La solution politique a bien sûr de multiples dimensions (militaires, diplomatiques, idéologiques...) mais il reste que le colonialisme sioniste, l'occupation militaire israélienne, la Nakba, des guerres régionales, le processus génocidaire actuel, pourtant soutenus par l'hyper-puissance étasunienne, ne sont pas venus et ne viendront pas à bout de la lutte presque centenaire du peuple palestinien pour son indépendance, sa  dignité et sa liberté.

Mustafa Barghouti, Secrétaire général du Mouvement d'initiative nationale palestinien, a déclaré "Nous condamnons ce crime odieux de l'armée d'occupation. Ce crime odieux ne fera que renforcer la détermination du peuple palestinien et de sa vaillante résistance à poursuivre la lutte et le combat pour la liberté, la dignité et le droit à l'autodétermination (...) Les assassinats brutaux de combattants et de résistants n'ont fait que renforcer la détermination du peuple palestinien à poursuivre la lutte pour la liberté, la dignité et l'autodétermination et à mettre en échec l'ensemble du système d'occupation, de discrimination raciale et de colonialisme fasciste."

Israël semble ne plus tenir compte des recommandations des Etats-Unis et pousse dangereusement la région vers une guerre dans laquelle Washington sera contraint d’intervenir. Si le Hebzollah et, derrière lui, l’Iran n’ont aucun intérêt à entrer en guerre, le coup porté par Israël est trop fort pour être laissé sans réponse. Frappant au cœur de Téhéran un dirigeant invité à la cérémonie d’investiture du nouveau président, Israël a humilié la République islamique.

En Iran, certains cercles du pouvoir n'excluent pas une riposte à la hauteur des provocations israéliennes et donc un conflit avec Israël. La fraction fasciste du sionisme au pouvoir à Tel-Aviv semble souhaiter cet affrontement pensant que les États-Unis seraient contraints de la soutenir. C'est tout la région qui peut s'embraser à commencer par le Liban où le Hezbollah, soutenu par l'Iran, est une force sérieuse qui peut poser de vrais problèmes à l'Etat colonial.

Jusque-là les forces anti-guerre l'ont emporté en Iran et au Liban. Mais la nature du régime messiano-fasciste de Netanyahou peut les contraindre à rejoindre les cercles les plus bellicistes et à se résigner à une guerre qui, évidemment, n'est dans l'intérêt de personne. D'autant que l'Iran tente de renouer un dialogue avec les États-Unis et les Occidentaux pour réintégrer le marché capitaliste dominant. 

Les peuples saoulés de nationalismes et de religiosités obscurantistes seront-ils à même de stopper la catastrophe, hélas on peut en douter.

Peut-on davantage compter sur les intérêts des bourgeoisies régionales et des grandes puissances impérialistes? C'est possible mais pour le moins douteux même si on ne voit pas qui aurait quelque chose à gagner à un tel conflit. Du moins rationnellement. Mais avec les dirigeants israéliens actuels, sommes-nous encore dans le cercle de la raison...?

D'où l'importance des élections présidentielles étasuniennes. Un Donald Trump ultra-sioniste (le sionisme chrétien est puissant aux Etats-Unis et il est l'une des composantes de la droite évangélique qui est une large partie de la base de masse de Trump) à la Maison Blanche serait très inquiétant.

Antoine Manessis

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