mardi 13 août 2024

Hallucinons à l’unisson

Olivier Cabanel

Les champignons mènent à tout, de la gastronomie à l’ivresse, en passant par des exercices de stimulation du cerveau, grâce à certains psilocybes…

C’est lors de la rediffusion d’une émission de France Culture, début août que l’on pouvait découvrir les propriétés mal connues de certains champignons, (et de plantes), que l’on trouve en Asie, au Mexique, mais aussi en Europe, grace aux études du professeur Roger HeimIl est l’un des premiers à avoir étudié les champignons hallucinogènes, (si l’on passe sous silence les études menées auparavant par Richard Evans Schultes et Jean Bassett Johnson) tels les Psilocybes, mais aussi certaines Amanites, et Strophaires, et Heim alla jusqu’à ingérer ces champignons pour en découvrir les propriétés. Lien (page 11)

Connaissez-vous les Candida albicans, un champignon du domaine des levures, qui peut, entre autres, provoquer l’ivresse ? C’est ainsi qu’un japonais a été arrêté ivre au volant, alors qu’il n’avait pas bu une goutte d’alcool. Ce phénomène est appelé « le syndrome de l’auto-brasserie », et il s’agit en fait d’une fermentation intestinale provoqué par des champignons/levures dans l’estomac, lesquelles transforment les glucides absorbés en alcool, lequel passe dans le sang. lien

La même mésaventure est arrivée à une infirmière de 24 ans, laquelle se plaignait de vertiges, nausées, provoquant finalement des vomissements, alors qu’elle n’avait pas bu d’alcool, mais seulement pris un repas riche en glucides. Finalement elle a été hospitalisée, et les médecins ont découvert de fortes concentrations d’éthanol dans son organisme, ainsi que beaucoup de levures Candida Albicans dans son intestin.

Selon le Docteur Jimmy Mohamed, ce taux d’alcool peut atteindre les 4 grammes par litre, ce qui peut conduire à un coma éthylique. LienIl s’agit donc de cas de cirrhose hépatique dont on connaît aujourd’hui les conséquences, même si les scientifiques affirment qu’après 5 ans d’évolution de la maladie, 77 % des patients peu exposés étaient encore en vie...lien

Pourtant les champignons, même lorsqu’ils sont considérés comestibles peuvent s’avérer dangereux lorsqu’ils sont vieux, et avariés. En effet on connaît le cas de mycophages qui, après avoir consommé des champignons de Paris trop avancés, ont connu de grave troubles gastro-intestinaux. C’est pour cette raison qu’il est conseillé de ne pas dépasser les 24 heures entre le moment de la cueillette et la consommation des champignons. lien

Au-delà de l’ivresse, et des troubles intestinaux, il y a bien sûr les hallucinations. L’occasion d’évoquer Simon Thel : il s’est formé au Pérou, où il a appris les pratiques traditionnelles amérindiennes, pratiquant diète, et rituels sacrés divers et variés, et il affirme que certaines plantes, les plantes maîtresses, ouvrent la perception, en nous invitant à communiquer avec le monde des esprits…lien

Pour lui, le chaman communique avec le monde invisible, en ayant recours aux champignons, au Peyotl, ce petit cactus mexicain, et aux plantes enthéogènes, tels le Chanvre, la Mandragore...ici, une interview de Thel. (une solanacée, dont la Bible dit qu’elle avait guéri de l’infertilité Léa, la femme de Jacob) et bien sûr les champignons contenant de la psilocybine, tout en précisant que le recours à ces plantes peut être dangereux, et il affirme que les plantes peuvent « enseigner » à celui qui les prend. Thel s’est confronté aux plantes de manière très intuitive, et donc pas du tout académique. lienMalgré le fait que la psilocybine ait été classée interdite pour un usage médical, par la DEA (Drug Enforcement Administration) en 1971, en 2022 la médecine s’étant penchée sur la question, certains praticiens affirment pouvoir utiliser ces plantes, ou ces champignons pour soigner les dépréssifs.

Le neuropsychopharmacologue David Nutt, de l’Impérial College de Londres à déclaré : «  il est inconcevable que l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) puisse continuer à dire que la psilocybine n’a pas de vertu médicale. Elle est utile là où d’autres médicaments ne le sont pas). lienD’ailleurs des chercheurs ont mené une expérience scientifique grâce à la psilocybine et ils considèrent qu'il s’agit d’une étape majeure vers une révolution dans le traitement de la dépression. lien

Plus près de nous, en 2022, on apprend que la consommation des hallucinogènes à été dépénalisée pour ses vertus thérapeutiques dans le cas de dépression, d’alcoolisme, voire de tabagisme...et il a été constaté que ces champignons réduisait le stress des cancéreux en phase avancée.

C’est dans « Tristes Tropiques », le merveilleux ouvrage de Claude Levi-Strauss, que l’on pouvait en savoir un peu plus sur le chamanisme, et l’utilisation que faisaient les indiens d'Amazonie de certaines plantes et champignons afin d’explorer des mondes que nos cerveaux habituels ne fréquentent que rarement. Dans un chapitre du livre, Levi-Strauss évoque le psyco-chamanisme pratiqué par ces peuples, sous le contrôle prudent d’un chaman...En effet, les chamans ont une connaissance très pointue des champignons, mais aussi des plantes…

L’occasion d’évoquer l’ayahuasca, breuvage réalisé à base d’écorce de lianes du genre Banisteriopsis, ce breuvage étant un hallucinogène qui entraine une autre perception de soi et du monde, en modifiant passagèrement une profonde modification de la conscience. lien

Vient alors une question essentielle : comment ces chamans ont-ils sût que certaines plantes/champignons étaient bénéfiques...ou dangereux ?

Un esprit cartésien affirmera que, les générations passant, il était facile de constater que certains étaient dangereux, voire mortels...mais est-ce la seule explication ?

Dans un long texte de témoignage, l’un des élèves de Chri Kamalec, voit les choses différemment en différenciant « les plantes maîtresses, les plantes enseignantes, les plantes de pouvoir, enthéogènes (en ceci qu’elles peuvent nous aiderà révéler le divin en nous) » et il suggère : « les chamans en font des breuvages (…) et il suppose que « les plantes et les breuvages sacrés qu’ils en ont tirés leur avaient soufflé directement les textes sacrés »...lien. Il affirme : « le jus de certaines herbes préparés de façon traditionnelle font connaître des états de transformation mentale qui mettent en contact avec la lumière de la conscience  », ajoutant « c’est par un usage semblable qu’Henri Michaux approcha la mescaline et fit de décisives expériences mentales, spirituelles  ».

Si l’on en croit Marilyn Brentegani, qui les décrit dans son livre « Herboristerie chamanique », nous avons en Europe plusieurs plantes considérées comme chamaniques : l’armoise, la reine des près, le millepertuis, l’ortie, le plantain, l’achillée millefeuille, l’artemisia annua, la sauge, le pissenlit... lien

En effet, on ne dira jamais assez l’importance de l’ortie pour notre santé : ainsi que l’explique Didier Rauzy, dans « le chamanisme et les plantes », en rappelant qu’il n’existe « aucune mauvaise herbe », il affirme que « l’ortie est une solution facile et peu coûteuse pour corriger les problèmes de carence actuel ». lien

Selon Caroline Pelé, qui s’exprime dans « plantes et santé », « le chamane entre dans le monde de la plante en l’ingérant et son effet psychoactif lui donne des visions et des rêves  ». lien

Il peut alors dialoguer avec l’esprit de la plante pour comprendre ce dont souffre son patient comme l’affirme l’anthropologue Jeremy Narby dans son ouvrage « deux plantes enseignantes », co-écrit avec le chamane amazonien Rafael Chanchari Pizuri. lien

Il a donc ouvert une page essentielle à une éventuelle transformation de l’humain, car comme dit mon vieil ami africain : « le corps de l’humain est plus petit que l’esprit qui l’habite ».

agoravox.fr 

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