vendredi 25 février 2011

En opposant son veto à la résolution contre les colonies, Obama a rejoint le Likud

Gidéon Lévy - Haaretz

Ce weekend le Likud s’est enrichi d’un nouveau membre - qui n’a pas simplement rejoint le parti au pouvoir mais son aile la plus extrémiste. En se positionnant quelque part entre Tsipi Hotovoly et Danny Danon,, et plus à droite que Dan Meridor et Ichael Eitan, le président Barak Obama a affaibli la position des deux derniers.

Le premier veto opposé par les USA pendant le mandat d’Obama, un veto qu’il avait en vain juré de ne pas utiliser comme ses prédécesseurs l’avaient fait, a été un veto contre la possibilité et la promesse d’un changement, un veto contre l’espoir. Ce veto n’est pas un acte d’amitié envers Israël, il soutient les colons et la droite israélienne et personne d’autre.

La justification de l’ambassadeur étasunien devant l’ONU n’y changera rien, ni d’ailleurs les paroles de remerciement du bureau du premier ministre (israélien NdT) : cette décision n’est rien d’autre qu’un acte d’hostilité envers Israël. Les USA, dont Israël dépend plus que jamais, ont dit oui aux colonies. Voilà la seule signification de ce veto et en faisant cela, ils ont soutenu l’entreprise la plus nocive pour Israël.

Qui plus est, ils l’ont fait à un moment où le vent tourne au Moyen Orient. Les USA ont promis le changement, mais au lieu de cela, ils ont continuer à réagir avec les même automatismes et le même soutien aveugle à Israël dans la construction des colonies. Ce n’est pas ainsi que les USA réussiront à modifier l’opinion que les peuples de la région ont d’eux. Et Israël, un paria international, n’a trouvé une fois de plus qu’un seul supporter, les USA.

Cela devrait avoir embarrassé les Israéliens. C’est comme cela que nous sommes ? Seuls et condamnés par tous ? Et tout cela pour pouvoir persévérer dans cette entreprise douteuse ? Cela en vaut-il vraiment la peine ? Au diable l’ONU et le monde entier qui est contre nous ?

On ne pourra pas se cacher dans notre tour de fer indéfiniment. Nous devons ouvrir les yeux et nous rendre compte que si aucun pays, en dehors des USA en perte de vitesse, ne soutient nos caprices, cela veut dire qu’il y a quelque chose qui ne va pas du tout.

Israël, qui est condamné par le monde entier mais qui poursuit allègrement sa route est un pays qui a perdu le sens des réalités. C’est aussi un pays qui se retrouvera en fin de compte complètement abandonné à son propre sort. C’est pourquoi la décision des USA est dommageable aux intérêts d’Israël : Elle encourage l’aveuglement et la rigidité d’Israël et lui fait croire qu’il peut continuer comme ça indéfiniment.

Si les USA étaient un véritable ami d’Israël et se sentaient vraiment concernés par son destin ils auraient du dire non. S’ils comprenaient que les colonies sont un obstacle ils auraient du se rallier à leur condamnation. Une superpuissance qui veut la paix à un moment où les peuples arabes se révoltent contre leurs régimes et contre les USA et Israël, aurait du comprendre qu’elle devait changer les vieilles habitudes délétères de soutien inconditionnel à un allié dont les colonies sont la drogue.

Des USA bienveillants aurait du se mobiliser pour délivrer Israël de sa dépendance à sa drogue. Ils sont les seuls à pouvoir le faire, et ils auraient du commencer, mieux vaut tard que jamais, au Conseil de Sécurité de vendredi dernier.

Mais les promesses de changement et l’intérêt sincère pour Israël sont une chose et la diplomatie une autre : et nous voilà avec une autre veto automatique comme si rien n’avait changé. Obama et George W. Bush, c’est du pareil au même. Quand l’ambassadeur Susan Rice a dit que la résolution telle qu’elle était rédigée risquait de durcir les positions des deux camps et pourrait donc encourager les deux partis à refuser les négociations, elle nous menait en bateau. Elle sait que ce qui empêche les négociations et durcit les positions c’est la construction incessante dans les colonies.

Et quand le ministre des affaires étrangères israélien dit que c’est "étrange que le Conseil de Sécurité choisisse de ne voir qu’un seul aspect" des négociations israélo-palestiniennes "tout en ignorant la portée d’événements plus importants dans la région" lui aussi nous mène en bateau. Un ministre des affaires étrangères peut-il vraiment croire que l’autre camp puisse sérieusement accepter qu' Israël crée une situation irréversible sur le terrain sans essayer le moins du monde de l’en empêcher ?

Et appeler cela "un seul aspect" ? Peut-être que ce n’est qu’un seul aspect, mais c’est sans aucun doute le plus destructeur. Et c’est pourquoi le monde le condamne -et à juste titre.

De plus ce veto n’a pas été opposé pendant une époque ordinaire. Ce sont des jours où une lave brûlante se répand dans la région. Si le gouvernement d’Israël avait le moindre sens de ses responsabilités il aurait arrêté la construction dans les colonies il y a longtemps -pas seulement pour détourner le feu d’Israël mais aussi pour promouvoir un traité qui n’a jamais été aussi crucial pour le pays.

Si les USA avaient été une superpuissance responsable, ils auraient voté la résolution vendredi pour réveiller Israël d’une sommeil dangereux. Au lieu de cela, nous avons eu un veto de Washington qui nous est dommageable, des cris de joie à Jérusalem et une fête qui finira mal pour tous les deux.

Gidéon Lévy

Note :

*Likud : parti d’ultra-droite auquel appartient Netanyahu


21 février 2011 - Haaretz - Pour consulter l’original : http://www.haaretz.com/print-editio...

Traduction : Dominique Muselet

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