lundi 15 juillet 2024

Censure d’un gouvernement NFP : la volte-face du RN et ses contradictions

Damien Bernard

Après avoir ouvert l’hypothèse d’une non-censure d’un gouvernement NFP, le RN a corrigé le tir en affirmant qu’il «censurera tout gouvernement» comprenant des ministres LFI ou écologistes. Une volte-face qui illustre la stratégie mouvante du RN face à la crise institutionnelle.

Alors que la perspective d’un gouvernement NFP est toujours en suspens, le Rassemblement national a, par la voix de Marine Le Pen, affirmé qu’il « censurera tout gouvernement » comprenant des ministres issus de La France insoumise ou des Verts, comme l’a déclaré la présidente du groupe parlementaire RN sur X.

Une volte-face du RN et ses contradictions

Pourtant, une heure plus tôt, le secrétaire général du groupe RN Renaud Labaye avait déclaré au Figaro : « par principe, on ne censure jamais pour censurer. Tout dépendra du gouvernement, du discours de politique générale ou des textes présentés ». « Si la gauche fait des mesures consensuelles que l’on peut voter, on ne la censurera pas. Puis, la temporalité est importante. Il y a des paramètres à prendre en compte comme la bonne tenue des JO », justifiait-il. Des déclarations suffisamment explicites pour semer le doute quant à l’attitude que prendrait le RN en cas de gouvernement NFP.

Quelques temps plus tard, le bras droit de Marine Le Pen s’était déjà corrigé en affirmant à l’AFP « qu’en cas de gouvernement comprenant un ministre de La France insoumise », les chances pour le RN d’approuver son discours de politique générale seraient « quasiment nulles », laissant ainsi présager un soutien à une éventuelle motion de censure si un gouvernement NFP se formait.

Loin d’être une mauvaise interprétation des médias comme le soutient Bardella, cette volte-face du RN traduit les tensions qui le traversent dans la crise institutionnelle en cours. De ce point de vue, la position exprimée par Renaud Labaye, artisan principal de la « normalisation », ne faisait qu’illustrer la volonté du RN à un retour à la recherche de compromis au cas par cas à l’Assemblée nationale et à sa « stratégie de la cravate » qui, depuis 2022, avait permis à Marine Le Pen et à ses 88 députés de faire un saut dans sa « normalisation ». En d’autres termes, celui qui est chargé au RN de recruter des hauts fonctionnaires et des polytechniciens n’a fait que retranscrire la ligne officielle discutée par le parti. Face au tollé provoqué par une ligne jugée « conciliante » avec le NFP, Marine Le Pen et Jordan Bardella ont jugé nécessaire de corriger le tir réaffirmant finalement la ligne anti-Mélenchon qui a prévalu dans l’ensemble de la séquence électorale.

Une tension entre « normalisation » et la rhétorique « anti-système » qui se réactive

Cet épisode illustre une tendance à la réactivation de la tension entre « normalisation » et la rhétorique « anti-système ». Alors que le RN comptait s’appuyer sur son renforcement à l’Assemblée nationale pour accélérer sa « normalisation » inachevée, le parti d’extrême-droite a dû rebrousser temporairement chemin sur sa ligne de conciliation avec le NFP à l’Assemblée.

Si les divergences n’ont pas fuité en interne, ce changement de pied semble être le produit de tensions au sein du parti liées à la radicalisation anti-NFP promue pendant la séquence électorale et à la frustration des militants RN suite au revers des législatives. C’est cette « radicalisation » au sein de la base que note Félicien Faury : « cette énième frustration pourrait largement consolider la position anti-système des militants RN ». Avant d’ajouter : « Ce que l’on constate déjà dans les discours des porte-parole du RN, c’est une rhétorique anti-système qui se réactive. L’idée que le parti serait à nouveau seul contre tous, victime d’une grande coalition élitiste qui aurait fait barrage, est largement reprise par le RN. C’est une rhétorique très ancienne du parti, qui cherche à être intégré au jeu politique tout en se positionnant comme un parti subversif ».

Face à la crise institutionnelle en cours et après une séquence électorale qui a permis de faire revivre la rhétorique de l’« UMPS » à travers le front républicain...

...cette résurgence de la tension entre institutionnalisation et rhétorique « anti-système » vient remettre au premier plan le fait que la croissance du RN ne se fera pas non plus sans contradictions.

Révolution Permanente 

Aucun commentaire: